Quelques jours se sont passés depuis l'incident du train. Une bonne semaine, à vrai dire, selon la rotation planétaire d'Izangar. L'équivalent de deux semaines sur Terre. Nous sommes restés plus longtemps que je l'avais pensé, mais Fi s'est révélée être une excellente hôte et il y avait bien des choses à voir. La première journée sur place, le lendemain de notre arrivée, a été passée à nous reposer. Dormir. Prendre soin de nous. Après tout, Spencer a encore une fois failli mourir, et Adam n'avait certainement pas anticipé ce genre d’événement. Fi, elle, semblait plutôt bien se porter malgré avoir été la cible d'une attaque. Une façade, bien sûr. Quand elle n'était pas avec nous, elle organisait les recherches pour traquer cet homme et renforcer sa propre sécurité. Qui pourrait l'en blâmer.

Quoi qu'il en soit, nous avons finit par quitter Izangar et aussitôt le Tardis en vol, le sol vibrant sous nos pieds, l'ambiance s'est faite plus nostalgique. Après tout, nous sommes en route pour ramener Adam sur Terre et à son petit boulot, et sa petite vie. Jusqu'au prochain voyage, bien sûr. Cela dit, je ne l'ai pas fais venir juste pour lui montrer de beaux paysages et nous le savons tous les deux. Les moteurs en branle, Spencer s'est esquivé pour aller... nettoyer ses armes, ou vouer un culte à ses augmentations, que sais-je. Plus probablement est-il descendu dans le dojo pour reprendre son entrainement si précieux. Moi, une fois m'être assuré que tout fonctionnait correctement, j'ai invité Adam à me suivre sur l'une des passerelles. - J'aimerais faire ça avant de te ramener. On a pas vraiment eu l'occasion depuis le train, autant le faire maintenant.

Nous empruntons la passerelle menant en contrebas et la suivons quelques secondes avant d'attendre une ouverture dans une paroi comme suspendue dans le vide. Seules deux lumières blanches l'encadrent, raison pour laquelle on peut voir cette portion de mur. L'arche en elle-même est liserée d'une ligne lumineuse tout aussi blanche, une façon d'habituer le regard à la décoration du reste. L'arche donne sur un couloir. Le couloir sur un angle. L'angle sur deux portes qui se font face. Je me présente devant celle de gauche et elle coulisse dans un son d'inspiration. Les lumières s'allument en fondue tamisée. Nous pénétrons dans l'un des laboratoires. Une pièce d'un blanc épuré lumineux éléments blancs comme éclairés de l'intérieur. Sur les paillasses, quelques fioles, flacons et tubes demeurent, oubliés.

Sur le mur de gauche, un large tableau lumineux éclaire tout une série de nombreux scanners cérébraux comme si chaque angle possible et imaginable avait été imprimé. Intercalées avec les feuilles rigides, des photos. Certaines de portion du corps spécifiques. D'autres, plus larges. La plus large décrit un homme brun aux yeux bleus et à la mâchoire carrée. Un corps pâle et sale à la maigreur telle que seuls ses muscles atrophiés et ses os ressortent. Ses cheveux sont en bataille, son regard lointain et il ne porte qu'un pagne bouffé par la crasse.
Au fond de la pièce, une paroi de verre divise le laboratoire et cette petite "cellule" d'observation. Un lit défait, des vêtements entassés dans un coin. Il y a quelques livres entreposés sur une tablette, ainsi qu'un écran mobile depuis longtemps éteint. Sommes toutes, un laboratoire en désordre. - Hm.. Je ne suis pas descendu ici depuis longtemps. - Depuis les derniers événements avec les Delviens, en fait. Ça remonte à tellement loin...

Tiens, installe-toi ici. - Dis-je en lui désignant un fauteuil droit en cuir synthétique gris, en face du tableau lumineux. Me rapprochant d'ailleurs du tableau, je pose les doigts sur une feuille rigide carrée. L'image d'un cerveau y tournait inlassablement, et lorsque je recule mes doigts, elle en sort en une projection 3D d'un détail fascinant. Chaque contour, chaque synapse, chaque signal électrique dessiné d'une effet lumineux particulièrement précis. Dans le cas de ce cerveau-ci, c'est un véritable feu d'artifice. Des zones allumées comme un soleil, d'autres qui devraient être dormantes et clignotes incessamment. Le cauchemar d'un épileptique. Ironie du sort, il l'était aussi. D'un geste de la main, le cerveau disparaît pour laisser place au vide holographique, un espace comme de l'air plein de poussière.

Sur la paillasse en-dessous, j'attrape un casque. Un serre-tête bizarre, visuellement parlant. Comme un cercle de plastique parcouru d'éléments métalliques. Je me retourne vers Adam. - On va commencer par quelque chose de simple. Ceci est un scanner cérébral un peu particulier. Il va observer ton cerveau et son fonctionnement, le cartographier, et projeter ça en temps réel. - Expliqué-je en venant placer le casque sur sa tête. Ses extrémités sont collées à ses tempes. Le casque repose sur ses oreilles et fait le tour de sa tête par l'arrière du crâne. - Tu vas sentir une sensation de vibration, comme un très léger courant électrique. C'est normal, et c'est sans risque. - D'une pression sur le casque, j'active le scanner et un faisceau lumineux léger doré se superpose à son crâne. Un globe partiel, allant de sa nuque à son front et de part et d'autres de ses oreilles. Le faisceau est régulièrement parcouru par une pulsion lumineuse qui part du casque et rejoint le périphérie du globe. - Ça va? Ça ne prendra que quelques minutes. - Déjà, le cerveau d'Adam commence à apparaître dans l’espace holographique du tableau. Seulement sa forme extérieure pour le moment, mais le reste suivra.

Le Professeur était en train de les ramener sur Terre, et l'idée d'avoir à retourner à la banalité de sa vie habituelle, couplée au son du Tardis en vol qui lui inspirait toujours une sorte de calme nostalgique, avait laissé retomber sur lui un silence pensif. Spencer s'était éclipsé, quittant la salle de la console et le laissant seul avec le Professeur, qu'il observa s'activer autour de la colonne de lumière, réglant les paramètres de vol de la cabine rouge. Le Propriétaire des lieux tourna encore un moment autour des contrôles avant de sembler satisfait de ses réglages et de se retourner vers lui.

- J'aimerais faire ça avant de te ramener. On a pas vraiment eu l'occasion depuis le train, autant le faire maintenant.

Il hocha simplement la tête, sachant précisément à quoi le Professeur faisait référence. Cette voix qu'il avait entendu lorsqu'il s'était trouvé en danger de mort. Cette voix qui était presque parvenu à prendre le contrôle de son corps au moment crucial, le forçant à fuir et à sauver sa peau au détriment de la survie des autres. Un autre mystère à rajouter à ceux qu'il avait récemment découvert sur lui même, et qui intriguaient suffisamment le Professeur pour que lui même se pose nombre de question sur sa propre personne.

Il suivi donc l'alien quand celui-ci s'éloigna de la console pour le guider à travers les couloirs sombres du Tardis, jusqu'à le mener à une pièce en contraste avec le reste, éclatante de blancheur, qui ressemblait à un genre de laboratoire. La salle n'était pas parfaitement rangée, au contraire, et les affaires qui traînaient venait donner à l'ensemble l'impression que quelqu'un avait passé un temps important entre ces murs.

Son regard couru autour de la pièce, s'arrêtant en particulier sur le tableau où étaient déjà affichée la représentation d'un cerveau à priori humain, visible sous toute les coutures, entourée de photos d'un homme qui lui était inconnu. Il y avait quelque chose de particulièrement triste à constater l'état dans lequel se trouvait ledit inconnu sur les photographies, et il pinça légèrement les lèvres avant de se retourner vers le Professeur.

- J'en déduis que je ne suis pas votre premier patient ?.. Vous avez pu... Trouver ce qu'il avait ? Vous avez pu l'aider ?

La question n'était pas posée égoïstement, pour savoir si le Professeur saurait l'aider lui. Il voulait réellement savoir si cet homme l'apparence pitoyable avait pu s'en sortir, puisqu'il était visiblement mal en point. Inutile d'avoir besoin d'un œil expert pour en juger, la maigreur et la crasse visible sur les images parlaient d'elle-même, sans compter l'image tridimensionnelle  de son cerveau, qui fut  projetée dans la salle alors qu'il s'asseyait là où le lui avait indiqué le Professeur. Il était loin d'être un expert en fonctionnement cérébral, mais il n'était pas difficile de deviner qu'une telle activité était anormale...

- On va commencer par quelque chose de simple. Ceci est un scanner cérébral un peu particulier. Il va observer ton cerveau et son fonctionnement, le cartographier, et projeter ça en temps réel. Tu vas sentir une sensation de vibration, comme un très léger courant électrique. C'est normal, et c'est sans risque.

- Okay.

Il prit une longue inspiration alors que le Professeur installait l'appareil sur son crâne. Tant pour se préparer à la sensation décrite par celui-ci, en espérant qu'elle ne soit pas trop désagréable, qu'à ce qu'ils allaient possiblement découvrir. L'excitation de savoir se mêlait à la peur de trouver que quelque chose n'allait potentiellement pas chez lui, qu'il était peut être simplement malade, ou qu'il était quelqu'un de complètement différent de ce qu'il avait pensé jusqu'alors... Et si tout ça avait un rapport avec ses parents biologiques ?

Il n'avait jamais particulièrement cherché à les retrouver, tant parce qu'il savait qu'étant donné les circonstances dans lesquelles il avait été trouvé, les chances de pouvoir remonter leur trace était presque inexistantes, que parce qu'il n'en avait jamais particulièrement ressenti le besoin. Ses parents adoptifs étaient sa famille. Ils lui avaient donné ce dont-il avait besoin du mieux qu'ils l'avaient pu, et si sa vie n'était pas une réussite parfaite, se pencher sur le mystère de ses origines ne lui avait jamais semblé permettre de lui offrir quoi que ce soit d'important. Jusqu'à aujourd'hui.

La question posée par le Professeur le tira de ses pensées, et il reporta son attention sur celui-ci, avant de bien vite tourner son regard sur la représentation de son propre cerveau qui se dessinait lentement. Il y avait quelque chose d'à la fois fascinant et terrifiant à le voir apparaître ainsi sous ses yeux, à se dire que son existence se résumait en grande partie à cet organe contenu entre les parois de son crâne.

- Je crois que ça va oui. Je... Hm.

Pause brève, le temps d'ordonner ses pensées et ses mots.

- Je sais juste pas trop quoi penser de tout ça. Vous pensez qu'on va trouver quoi ?..

Il va bien. - Ai-je simplement dit au sujet du brun sur les photos. - Il est de retour à Londres, parfaitement bien portant. Expert linguiste au gouvernement. - J'ai eu un instant de latence. - Il s'appelle Adam aussi, tiens. - M'amusé-je momentanément. - Adam's lab, all the way. Aaaanyway. - Et puis, j'ai enchaîné.

Je crois que ça va oui. Je... Hm. - Déjà concentré sur la projection cérébrale partielle, je tourne la tête lorsqu'il s'interrompt. - Je sais juste pas trop quoi penser de tout ça. Vous pensez qu'on va trouver quoi ?.. - Je jauge son regard. Prend conscience de son inquiétude. Je n'ai même pas besoin de faire semblant, je comprends parfaitement ce qu'il ressent. J'ai fais bien assez de tests et scan durant leur inconscience pour m'assurer que j'allais bien. Depuis, je n'ai toujours pas compris d'où provenaient ces images, cette silhouette aux cheveux clairs que j'ai vu dans le train. Ces coups sonores. - Je ne saurais le dire, mais peu importe ce qu'y t'arrive, on trouvera une façon de s'en occuper. Et puis, ce n'est peut-être rien de dangereux. Ne pas savoir rend tout ça plus inquiétant que ça ne l'est peut-être.

Je reviens à la projection. Elle est complète. Les zones du langages sont allumées. Les portions de l'anxiété aussi. C'est un cerveau particulièrement actif, mais rien d'étonnant considérant son QI. - En attendant, je ne vois rien d'anormal ici. - Pas de formation. Pas de tumeur ni autre grosseur. Pas d'anomalie anatomique ou de modification quelconque. Rien de plus qu'un beau cerveau humain tout à fait fonctionnel. Mon regard dérive vers les différents tubes à essais et fioles rangées. Je pourrais lui injecter de quoi révéler plus, mais je risquerais de fausser les résultats. Je pourrais également le mettre en condition de danger pour reproduire la situation, mais j'aimerais autant éviter de le mettre à risque inutilement. - Entendre des voix peut être angoissant. Ce qu'on ne réalise pas souvent, c'est qu'elles ne proviennent rarement, voire jamais, de l'extérieur. C'est comme une seconde conscience, fictive. Une greffe à ton esprit. Pas une division, mais une seconde voix qui se forme. Et cette voix ne peut provenir que d'un seul endroit.

Secouant la tête face aux options qu'il me reste, j'abandonne la projection et tire une chaise pour m'asseoir en face de lui. J'inspire, bloque, hésite, et finit par abdiquer. - Ce genre de chose provient du Subconscient. C'est là que tout se cache. Le Conscient, tes pensées, ce que tu te dis en ce moment, ce n'est que le sommet de l'iceberg mental. Malheureusement, il n'y a pas trente six façons de se connecter à son Subconscient, et je n'ai qu'une seule méthode efficace à te soumettre. - Et moi qui suis généralement difficile à lire, il peut certainement voir à mon visage que j'avance cette idée à reculons. - Regarde-moi dans les yeux. - Dis-je en me penchant légèrement en avant. Je n'ai pas à forcer. Le sortilège est toujours-là, attendant son heure. Dans mes pupilles, le liseré d'or que dessine la rune gallifreyenne se fait plus évident. Il a toujours été-là, mais y faire attention est une autre histoire. - Et maintenant, garde les yeux ouverts et endors-toi.

Instantanément ou presque, Adam sombre dans un sommeil lourd, mais ses paupières demeurent ouvertes. Les signaux lumineux de la projection cérébrale ont totalement changés. Je lui tourne le dos, mais je le sais. - Tu peux encore m'entendre. Tu te trouves dans une pièce ronde. Deux arches se font face. L'une est ouverte. L'autre est fermée d'une grille à barreaux. Va vers elle. - L'image du centre névralgique est universelle. Passer une porte pour changer de pièce. Ma voix est posée, presque soufflée. Les mots sont lents. Les secondes s'étirent. - Qu'est-ce que tu vois? Qu'est-ce que tu vois à travers les barreaux?

Rien d'anormal, c'était déjà ça de pris. Sous ses yeux, la représentation en trois dimensions de son cerveau était achevée, les différentes zones de celui-ci s'illuminant sous l'activité de ses neuronnes.

- Entendre des voix peut être angoissant.

Bien un point avec lequel il était fondamentalement d'accord. Entendre des voix n'était généralement pas spécialement bon signe, qu'on ai un alien qui s'y connaissait en neurologie sous la main ou non.

- Ce qu'on ne réalise pas souvent, c'est qu'elles ne proviennent rarement, voire jamais, de l'extérieur.

Le subconscient donc...

- Donc vous pensez que ça vient de moi ?.. J'aurais créé moi même cette voix qui me parle ?

L'idée n'avait non seulement rien de rassurant, mais elle lui paraissait illogique au delà de ça. Pourquoi une voix féminine si il en était à l'origine ? Et pourquoi ces mots spécifiques dans une situation précise ?.. Et cette impression qu'il avait eu de sentir son corps obéir à l'injonction, comme si une conscience autre que la sienne avait tenté de prendre le pas sur son propre corps...

Il n'eut pas beaucoup plus le temps de se pencher sur ces considérations. Déjà le Professeur semblait avoir pris une décision sur la marche à suivre pour continuer leur investigation, venant s'asseoir un face de lui, un air grave affiché sur le visage.

- Regarde-moi dans les yeux.

Iris bleus. Regard concentré. Et un liseré d'or qui apparu plus nettement alors qu'il se concentrait sur les yeux du Professeur. Il sentit ses sourcils se froncer légèrement, confus.

- Et maintenant, garde les yeux ouverts et endors-toi.

Le monde disparu sous une chape noire. Ne restèrent plus que les iris bleu et leur rune dorée, tanguant dans l'obscurité. Et puis, alors que la voix du Professeur résonnait à travers son inconscience, l'image d'une pièce circulaire se forma autour de lui. Lui qui venait d’apparaître dans le vide, comme on apparaît dans un songe sans en avoir conscience.

Architecture métallique, aux tons gris clairs et blancs, des formes arrondies suivant la courbe des murs. Et de part et d'autre, deux arches se faisant face, ouvertes dans la paroi. Il se dirigea vers celle fermée de barreaux, comme on le lui dictait, et ce qui se trouvait derrière la grille lui apparu petit à petit, comme si le fait d'être proche de celle-ci donnait sa réalité à ce qui se trouvait derrière...

- Des étoiles. Non. Des... Si. Des étoiles. Mais il y a des images dedans. Et elles bougent. Ca fait comme une toile, ou des constellations...

Si ce qu'il voyait faisait sens au moment où il le voyait, le dessin perdait toute tangibilité au moment de mettre des mots dessus. Difficile de décrire ce qui n'est pas réel...

- Qu'est-ce que je cherche exactement ?..

Aussitôt Adam catapulté dans son propre esprit, j'aurais dû me détendre. Au contraire, je me sens crispé. Je déteste utiliser le sortilège. Je déteste imposer ma volonté ainsi. D'autres vies avant moi en ont exploité les avantages, mais j'ai plus de morale qu'eux. Qu'Elle. Me convaincre qu'ici j'agis pour son bien est difficile, mais c'est une tâche qu'il me faudra accomplir plus tard. Ses yeux grands ouverts ne montre rien de plus que des globes morts. Sa conscience absente. Pour autant, sa bouche demeure animée. - Des étoiles. Non. Des... Si. Des étoiles. Mais il y a des images dedans. Et elles bougent. Ca fait comme une toile, ou des constellations... - Ça n'a aucun sens à mes yeux. Le subconscient est un lieu impossible. Tout peut exister, et rien à la fois. Sommes toutes, un peu comme l'univers, mais d'une façon bien moins logique... Comme l'univers. Un univers, au sein d'un crâne humain. Le jardin impossible de la psyché du vivant.

Qu'est-ce que je cherche exactement ?.. - C'est ton subconscient. Difficile pour moi de te dire quoi chercher. Ce n'est pas comme s'il y avait une carte à suivre. Ou une boussole. - Mon regard dérive un instant. Se tourne vers son activité cérébrale, lumières qui agissent comme s'il était en train de rêver. - C'est ton esprit. Tu es actuellement dans un état second qui te permet de consciemment concevoir son Tout. Comme un rêve lucide. De là, tu ne peux que voir de loin comme on espionne d'une fenêtre. Si tu veux explorer, il va te falloir entrer dans ton subconscient. - Et je n'aime pas vraiment cette idée, mais il lui sera impossible d'en apprendre plus sans ça. Sauf un hasard chanceux impossible. - L'avantage de cet état de lucidité, c'est que l'ont peut contrôler ton environnement, d'une certaine manière. La salle dans laquelle tu te trouves est une projection mentale. Les arches, une simple image que ton esprit te suggère, parce que je le lui ai suggéré en premier lieu.

Me penchant légèrement, comme un joueur d'échec face à son plateau, j'inspire un bon coup. - L'arche à barreaux n'est pas qu'une arche. Regarde bien. C'est également un porte. Il doit y avoir une clé autour de toi. Une façon de l'ouvrir. Est-ce que tu la vois?

La voix du Professeur continuait de lui parvenir, résonnant autour de lui sans vraiment venir de nulle part. Un guide qui lui indiquait la procédure à suivre... Plus ou moins. Il ne savait pas ce qu'il cherchait, et visiblement le Professeur non plus. Une anomalie, l'origine de la voix qu'il avait perçu dans le train. Mais comment localiser ce genre de choses face à la galaxie de constellations qui dansait de l'autre côté des barreaux ?

Le Professeur lui indiqua qu'il lui fallait trouver un moyen d'ouvrir la grille, la porte, et il tourna la tête pour observer autour de lui. Ou était-ce la salle qui tournait pour mieux s'offrir à sa vue ? Architecture onirique, le Prof parlait de rêve lucide, on en tait en effet proche, son environnement façonné au gré de ses pensées. Il n'eut donc pas à chercher longtemps, juste à côté de la porte s'était dessiné un levier, comme répondant à son besoin de lever la grille. Ses doigts se refermèrent sur celui-ci, le faisant basculer. La grille s'évapora et l'arche s'élargit, jusqu'à avaler la pièce dans laquelle il se trouvait un instant plus tôt.

Il flottait. Au milieu des constellations qu'il avait décrit plus tôt.

- J'ai ouvert... Je suis de l'autre côté, dans les étoiles.

Les étoiles. Maintenant qu'il était au milieu d'elles, elles se révélaient plus aisément à sa vue, fragment de souvenirs, rêves, sensations enfouies. Dificile de décrire avec des mots ce qu'il voyait, entendait, ressentait. Mettre des mots sur ce genre de choses lui paraissait difficilement possible... Ca n'avait rien de réel.

- Et maintenant ?

À travers les étoiles, hein? Je ne peux voir ce qu'il voit, ou même l'expérimenter d'une quelconque façon. Un télépathe en serait capable, et ce n'est pas mon cas. Tout ce que je peux faire, c'est imaginer. M'imaginer suspendu dans le vide, encerclé par l'univers et ses nombreuses lanternes immortelles. Ça n'a rien de compliqué à visualiser. C'est déjà arrivé par le passé.

Et maintenant ? - Bonne question. - Le Subconscient est un mélange de tous tes désirs inavoués, mais également le "lieu" où se déroule tout tes automatismes. Dans cet espace, tout peut arriver, parce que dans l'esprit, rien n'est impossible. Je suppose que c'est difficile à décrire. Il n'existe pas de mot pour décrire la pensée. On peut développer des raisonnements complexes avant même de les avoir formulé dans notre tête. Tout se déroule en amont. La réflexion se passe de mot. - Dérive peu surprenante, je me recentre. - Pardon. Je pense que le Subconscient répond à ce phénomène de pré-pensée. N'essaye pas de formuler ce que tu souhaites. Essayes plutôt de le ressentir. - Je scrute son visage, passe par ses yeux endormis. - Essaye de ressentir ce que tu as ressentis dans le train lorsque tu as entendu cette voix.

Désirs inavoués et automatismes hein ? Il allait essayer de se tenir à l'écart des premiers. Certaines choses étaient inconscientes et faisaient mieux de le rester. Il n'avait pas spécialement envie de se découvrir un fantasme tordu, ou qu'il était inconsciemment attiré par quelqu'un dont il aurait mieux fait de se tenir à l'écart. Pas dans cette situation en tous cas, et pas avec le Prof à proximité qui se rendrait probablement compte de quelque chose, son réseau synaptique étant affiché pleinement sous les yeux de celui-ci...

Il se concentra donc plutôt sur ce qu'il avait ressenti dans le train, comme on le lui recommandait. Le stress de la situation, l'exaltation liée à l'adrénaline, le sentiment de danger, la voix impérieuse et ce sentiment que le contrôle de son corps lui échappait.

Les constellations se mirent à défiler autour de lui, ou peut-être que lui naviguait au milieu d'elles. Difficile à dire. Tout ici avait l'air d'un rêve, à la fois réel et intangible, répondant à des lois qui lui étaient incompréhensible.

Les étoiles continuaient de défiler, inlassablement, de plus en plus vite, des souvenirs et des pensées nébuleuses dansant autour de lui sans qu'il soit toujours capable de les comprendre. Il s'enfonçait, toujours plus loin dans son subconscient, perdant peu à peu pieds avec la réalité. Est-ce qu'il dormait vraiment ? Il n'avait pas toujours été ici ? Le Tardis, le Professeur, Spencer... Tout ça n'était peut être qu'une fantaisie, un rêve soufflé par les étoiles qui l'entouraient, de plus en plus nombreuses, courant autour de lui de plus en plus vite.

Et puis soudainement, tout mouvement s'interrompit. Et il su. Il avait trouvé ce qu'il cherchait. Pas une étoile. Pas une constellation. Non. Une anomalie.

- Something's wrong...

Un repli dans l'espace, un objet indescriptible, une étoile qui n'était pas sienne. Un intrus. Virus. Cancer. Greffé à son univers. Et autour, d'autres étoiles agglomérées, des souvenirs flous, bien trop lointains pour être intacts.

Run. Save yourself. Live.

- That's not mine. What's it doing here?..

Il était dans l'anomalie à présent. Happé par sa gravité, et la voix se remit à résonner autour de lui, projetant des images floues.

Always stay away from the danger. Fear everything there is to fear. Live a normal life. Keep the weird things and the mysterious at bay. We will be gone but you'll survive. Whatever it takes.

Run. Save yourself. Live.

Des doigts sur ses tempes.

Immenses et brûlants.

Un visage de femme, flou. Inconnu et familier.

Son corps brûle.

Chaque muscle. Chaque os. Chaque cellule de son minuscule corps.

L'anomalie se greffe à son esprit.

Un ordre.

Une injonction à survivre.

Il brûle.

- Get me out. IT HURTS! GET ME OUT!

Something's wrong... - What is it? - Il ne répond pas de suite. - Adam? - That's not mine. What's it doing here?.. - Je tourne la tête vers la projection holographique. L'activité n'a rien d'incohérente. Le subconscient. Et puis quelque chose change. Sa respiration s'accélère. Son rythme cardiaque gagne en vitesse. Je glisse un index sur son cou pour trouver son pouls, inquiet. - Adam, talk to me. - Il se crispe. Les poings serrés, ses jointures blanchissent. Une fine transpiration perle sur sa peau, son front. La projection a changé. Le subconscient et les zones responsables de la mémoire à long terme s'embrasent. - Adam!

Il sursaute. Réaction corporelle instinctive face à une menace. Une attaque. Comme on bondit lorsque quelqu'un nous effraye. Sa mâchoire se serre. Ses muscles se tétanisent. - Get me out. IT HURTS! GET ME OUT! - Ni une ni deux je le fixe droit dans les yeux. Le liseré doré de la rune a tout juste le temps de briller que l'ordre est lancé. - Réveille-toi, maintenant.

L'ordre du Professeur claqua à ses oreilles, le tirant brusquement en arrière. Le monde mental qui s'était construit autour de lui s'écroula, et il se sentit se redresser en sursaut. Sa main agrippa immédiatement la bras du Professeur, à côté de lui, alors qu'il tentait de reprendre son souffle, le souvenir de brûlure se dissipant peu à peu, relégué au fond de sa mémoire, là où il ne pouvait pas l'atteindre.

- What the hell was that shit?

Les fragments de ce qu'il avait ressenti s'étiolaient déjà. Il était persuadé d'avoir déjà vécu cette sensation horrible, et pourtant le souvenir lui échappait alors qu'il tentait de s'y accrocher. Tout était flou dans son esprit, comme s'il s'était souvenu de quelque chose qu'il aurait mieux fait d'oublier, et qui dès lors tentait de lui échapper à nouveau.

- What... What happened?

Sans surprise, l'effet est immédiat. La conscience revient éclairer ses yeux bleus et, aussitôt, sa main s'agrippe à mon bras avec force. Le sursaut est vif, heureusement il ne tombe pas. - What the hell was that shit? - You're ok. You're back. Just breathe. - Incapable de lui expliquer ce qu'il a pu voir, je fais de mon mieux pour l'aider à reprendre pied dans la réalité.

Pupille dilatée. Saccades vives. Il est bien là mes son attention est ailleurs. Il cherche quelque chose, mais pas dans le laboratoire. Il cherche et s'accroche, mais sa main qui agrippe  mon bras n'est qu'une métaphore. - What... What happened? - I don't know. You tell me. You're the one who saw what you saw. - Ma main encadre son visage. J'essaye de capter son regard. Lui intimer le calme que je parviens à conserver malgré la situation. - If you're trying to fix you memory, I can help you. There's a specific frequency that can improve your hability to retain memories. But it has to be done now, before it fades away.

S'accrocher au souvenir... Il n'était pas entièrement sûr de vouloir. Sa curiosité sur le sujet se mêlait à la peur. La peur d'un souvenir qu'il ne se savait pas posséder. la peur de ressentir à nouveau la douleur qui l'avait traversé alors qu'il était plongé dans son subconscient.

- I don't know... I'm not sure... It hurt like hell.

Son regard était encore planté dans celui du Professeur, ses doigts enserrés autour de son avant-bras. Il relâcha un peu sa prise, et laissa son regard plonger dans le vague.

- There was... A woman looking at me. She's the voice I've been hearing... And... Pain. Like my whole body was on fire... And a baby crying I think?..

Laissant complètement aller le bras du Professeur, il ramena sa main contre lui, venant enserrer son propre torse comme pour se rassurer lui-même que tout ça était loin derrière lui.

Mais un tel souvenir soulevait des questions. Pourquoi l'avait-il oublié jusque maintenant ? Et à quel moment de sa vie est-ce qu'il avait pu vivre quelque chose d'aussi... Violent ?...

Soudainement, il n'était plus aussi sûr d'avoir envie de découvrir les raisons derrière ses particularités. Et si tout ça avait à voir avec ses parents biologiques ? Et si il découvrait quelque chose sur lui-même qu'il aurait préféré ignorer ?

Fear everything there is to fear.

Il senti ses sourcils se froncer.

Live a normal life. Keep the weird things and the mysterious at bay.

Whatever it takes.

Always stay away from the danger.

Run. Save yourself. Live.

Ses yeux remontèrent vers ceux du Professeur, une détermination nouvelle ancrée dans ceux-ci.

- Nevermind. Do it. I need to know.

There was... A woman looking at me. She's the voice I've been hearing... And... Pain. Like my whole body was on fire... And a baby crying I think?.. - Des images. Des sensations. Le subconscient peut être traitre et particulièrement inventif. Dans l'esprit, tout peut exister et aucune loi de la physique ou de la science en général ne s'applique. Ce qu'il a vu pourrait provenir de n'importe quoi. Une métaphore, une invention, une création ou alors une vérité. Mais pourquoi être hanté par une création de l'esprit alors que j'ai déjà établis qu'il n'était pas atteint d'une quelconque affection psychologique? Une femme. Du feu. De la douleur. Et un bébé. C'est peu, mais c'est déjà plus que ce que l'on savait cinq minutes auparavant. - Nevermind. Do it. I need to know.

Sans attendre plus longtemps, j'attrape une tablette numérique. La technologie derrière cette fréquence spécifique provient du futur. Elle a été développée par une race malheureuse. Chaque individu contraint par leur biologie naturelle de développer une variation de la maladie d'Alzheimer à partir de la quarantaine. Ils ont finalement réussi à développer cette technique pour stabiliser leur mémoire un peu plus longtemps, de quoi leur donner le même temps que les humains lorsqu'ils commencent à montrer les mêmes symptômes. Elle perd en efficacité avec le temps et l'utilisation, mais dans ce cas précis, elle fera parfaitement l'affaire.

À l'origine, il s'agit d'une énorme machine semblable à un IRM qui diffuse la fréquence. Ici, dans le vaisseau le plus spectaculaire de la création, le casque qu'il porte suffira à transmettre l'onde. Réglant en vitesse la fréquence sur la tablette, je saisis finalement sa main. - Ça ne fera pas mal, mais tu vas tout de même le sentir. Comme une crispation totale, mais ça ne durera que quelques secondes. - J'attends tout de même son aval, et lorsqu'il me fait signe, j'appuie sur le bouton. Aussitôt, l'onde envahie son cerveau.

Il hocha brièvement la tête, et le Professeur activa la fréquence dont il avait parlé. Son corps se crispa en effet, quatre longues secondes, à l'issue desquelles le souvenir ne lui échappait plus. Et pourtant, l'ensemble restait flou. S'il savait qu'il n'oublierait plus, de la même manière qu'on oublie un rêve quelques secondes après le réveil, il n'y voyait pourtant pas plus clair...

- It's still blurry. I don't really remember... And it still doesn't make sense... Who's that woman? And why... Why the pain?.. What did she do to me?

Il se donnait un peu l'impression d'un gamin qui cherchait des réponses auprès d'un adulte pour se rassurer. La vérité, c'est que la perspective de ce souvenir était terrifiante. Parce qu'il n'avait pas conscience de l'existence de celui-ci jusque-là. Parce qu'une part de lui craignait que ce souvenir soit ancien, enfoui peut-être pour le préserver d'un traumatisme...

- Why didn't I remember until now?..

I don't know... - Réponds-je simplement, désolé, avant de retirer le casque qui a fait sa marque dans ses cheveux. Je le repose sur la paillasse avec la tablette. La projection a arrêté de se mettre à jour. Elle est toujours-là, suspendu dans les airs, mais présente son activité cérébrale juste avant que je rompe le lien. La mémoire et la frustration. Les zones oculaires aussi. Le souvenir désormais fixe, qu'il peine à voir. - Why didn't I remember until now?.. - You didn't. Not really.

Pensif, je me lève, me rapproche de la projection. Ainsi, on dirait que son cerveau est une galaxie dorée. - You heard the voice, but that's it. It was like a warning, or trying to help somehow. But the rest, you never remembered. You just saw it, because we forced it. We bypassed the process. I don't think remembering was an option. - Si le mécanisme a été développé pour le protéger, peut-être que le traumatisme n'a jamais été supposé être dévoilé. Peut-être que c'est la source de cette hallucination. Un instinct, basé sur une expérience refoulée. Enfouie, pour protéger l'esprit. - But the voice in itself can't just resonate for no reason. Something triggered it. Something that you didn't have or experience in the past. Wich is a lot considering you're not even on your home planet...

- Danger. Real, tangible danger...

Son regard passe du Professeur à la représentation de son cerveau, fait des va-et-viens au fil de sa pensée...

- I never truly experienced it before because I... Feel when something wrong is about to happen... So I stay away from it but...

Il avait toujours eu cet instinct de se tenir à l'écart de ce qui pourrait le mettre en danger, comme si la voix avait déjà été présente, sans pourtant qu'il l'entende vraiment comme ç'avait été le cas dans le train.

- This time I was up close to the action so... Maybe that's why I heard her when I never did before?..

Quand au souvenir qu'il n'était pas censé avoir, qu'il avait débloqué en forçant le process... Est-ce que ce genre de souvenirs enfouis n'étaient pas généralement lié à un traumatisme ? Vu la douleur qu'il avait perçu en le revivant, ça n'aurait rien eu d'étonnant. Et puis malgré l'intervention du Professeur, le tout restait flou, comme presque hors de sa portée, comme les plus vieux de ses souvenirs, ceux de son enfance, fragmentés et flous, fait de sensation et de sentiments plus que d'images concrètes...

- Prof?.. My parents...

Une pause, il hésite, il n'aime pas particulièrement en parler, préférant se focaliser sur ce qu'il sait de lui plutôt que sur le vide d'avant son adoption.

- They're not my biological parents... I was found as a baby.

Ne pas s'attarder sur le sujet, il ne veut pas de pitié. Il n'en a pas besoin. Ses parents adoptifs sont sa vraie famille, et son enfance heureuse, il la leur doit. Peut importe qui l'a mis au monde, ceux qui importent sont la mère et le père qui se sont occupé de lui, l'ont éduqué et l'ont vu grandir. Pas les deux inconnus qui l'ont laissé seul alors qu'il n'avait pas un an. C'est du moins ce qu'il pensait jusque là, avant que ce souvenir intrusif ne s'ajoute à sa mémoire soulevant un certain nombre de questions...

- Do you think this could be... A really old thing that happened? Before I was adopted?.. Before I was even... Found?

This time I was up close to the action so... Maybe that's why I heard her when I never did before?.. - Nos raisonnements concordent, sans surprise. Plus que ça encore, il a failli mourir. Si je n'avais pas été apte à l'éloigner, il serait mord. Son instinct le savait. Mais l'instinct ne peut prévoir le futur. Alors qu'est-ce qui lui permet d'anticiper le danger ainsi? Clairvoyant voit littéralement dans le Temps, mais c'est un don de vision. Adam ne voit rien. Il ressent. Il sent et sait que quelque chose approche, sans pouvoir définir de quoi il s'agit. Sa seule contre-mesure est alors de ne pas approcher.

Prof?.. My parents... - Tiré hors de mes pensées, je pose mon regard sur lui. - They're not my biological parents... I was found as a baby. - I see. - Plus de questions encore. Qui sont ses parents biologiques? Pourquoi l'ont-ils abandonné? Où sont-ils maintenant? - Do you think this could be... A really old thing that happened? Before I was adopted?.. Before I was even... Found? - Je prends quelques secondes pour y réfléchir. - Well, you're 100% human. That's a fact. But sure. I've seen worst things, or weirder. When you lived as long as I did, you know anything is possible. So, yes, that is indeed an option.

Je l'observe attentivement, regard efficace sans être intrusif. - I can tell you don't want to talk about it, but maybe we can track them. Your biological parents. Or we can travel back to when you were found. Investigate in the moment. - Après tout, ce sont des options qu'il n'avait pas auparavant. - Now that you are here, with me and the Tardis, you have way more ways to find answers than you used to. You just have to ask when you want to. If you want to.

Ses sourcils se froncèrent à l'idée. La perspective d'en apprendre plus sur ses parents biologiques, pire, de remonter le temps jusqu'au jour où il avait été trouvé avait quelque chose de terrifiant. Où s'arrêtait son envie de comprendre qui il était par opposition à ce qu'il n'avait pas envie de savoir ?..

- I'll... Have to think about it. I'm not sure I'm ready to know that kind of stuff.

Ils en avaient déjà appris un peu plus sur cette voix qu'il entendait. Il savait ne pas être fou. Quelqu'un a un moment de sa vie lui avait fait quelque chose... Est-ce qu'il lui devait ses particularités en plus de ce message mental ? La capacité qu'il avait eu de résister à la boucle temporelle ? Cet espèce de sixième sens qu'il avait parfois ?.. Ces autres questions, il lui faudrait y répondre aussi. Mais il y avait encore des limites à ce qu'il se savait capable d'entreprendre dans ce but.

- Can we focus on what we have now? Is there anymore things we can do to understand that memory?

It's ok. We have time. - Littéralement. Il peut  bien décider d'accepter l'offre dans dix ans et nous pourrons toujours revenir au moment de sa naissance. Son adoption. Bref, cette période-là. Le voyage dans le temps a ses avantages. - Can we focus on what we have now? Is there anymore things we can do to understand that memory? - Hmm... How about projecting it? There's a device that can convert your thoughts into images. Like projecting a movie, but from your mind. It requires calibration, but we can project the memory on screen. That way we might be able to see more of it. - Une pause. Une précision. - And by we I mean me.

Il ne cesserait probablement jamais de s'émerveiller de la technologie dans disposait le Professeur. Vivre sur terre en ayant conscience qu'il existait une vie ailleurs était une chose, être directement confronté à celle-ci à constater de soi-même les aptitudes qu'elle avait et ce dont elle était capable en était une autre.

Il fixa le Professeur un long moment avant d'acquiescer, lentement. Il ignorait si projeter son souvenir ainsi que le proposait le propriétaire des lieu aurait au bout du compte un quelconque intérêt, mais essayer valait probablement le coup, même s'il se sentait toujours un peu perdu au milieu de tout ça. Comme s'il était déphasé à l'idée qu'il puisse potentiellement être quelqu'un de différent, peut-être radicalement, de ce qu'il avait toujours pensé être...

- Let's do that... And then... Maybe we could call it a day. I think I need to err... You know. Clean my mind.

Let's do that... And then... Maybe we could call it a day. I think I need to err... You know. Clean my mind. - Of course. You're in charge. I'm just here to help. - Je le libère du casque. Cette chose-là a hanté son crâne bien assez longtemps - Ok, give me a second. - Le laissant-là, je traverse le laboratoire pour ouvrir un placard dans le mur. La paroi coulisse et laisse apparaître quelques courtes étagères. J'y récupère une petite boite blanche et revient vers Adam. À l'intérieur se trouvent deux disques légèrement bombés, de la taille de pièces de monnaies. - It'll tickle for a second. - Je place les deux disques sur ses tempes et attrape la tablette.

Calibration shouldn't take long. Perks of having one mind. - J'appuie sur quelques touches. La projection cérébrale s'estompe. Les particules se déplacent pour former un grand rectangle noir. - Although, the last human I used those on wasn't that simple to read. Calibration took forever. You do not wanna see his nightmares, I assure you. - Quelques derniers boutons. Les disques vibrent un instant puis plus rien. - Anyway. Lets start. You won't feel a thing. We'll start with simple ideas, and when the program is set, we can work on that memory. Whatever image you're thinking about will appear on screen so... don't think of anything embarassing or dirty.

Le poids du casque en moins sur son crâne, il passa une main dans les boucles de ses cheveux, alors que le Professeur s'éloignait pour fouiller dans un placard. Difficile de tirer du sens de tout ça, et l'expérience bien que relativement peu éprouvante du point de vue physique l'avait épuisé. Il ne rêvait que de pouvoir aller s'enroule dans une couette et de ne plus bouger pour les vingt-quatre prochaines heures...

Prof revint lui placer deux sorte d'électrodes sur les tempes, et il secoua un peu la tête une fois celles-ci en place pour se forcer à rester ancré dans l'instant présent. Il écouta l'alien lui parler de l'autre Adam, celui sur qui il avait déjà utilisé tout ça, et avec qui les choses avaient été visiblement plus compliquées... En tous cas au niveau des réglages. Parce que si le Professeur avait trouvé ce qui clochait chez son homonyme et avait pu l'aider, ils étaient encore loin d'avoir des réponses sur lui-même... L'impression qu'ils soulevaient même plus de nouvelles questions qu'il n'apportaient de solution à toutes cette histoire l'angoissait un peu.

Don't think of anything embarassing or dirty.

Hein ?

- Hein ?

La question ramena brusquement son attention sur le scientifique, alors que les premières images de son esprit apparaissaient sous leurs yeux.

Ne pas penser.

Rien d’embarrassant.

Ne pas....

Cette fois où il s'était cassé le bras en glissant sur une chaussette sale...

Un baiser tout ce qu'il y avait de plus maladroit. Quatorze ans à tout casser. Le visage d'Annie Jones. Ses potes qui s'étaient foutu de sa gueule ensui-

Une cuite terrible pendant laquelle il avait avoué à un de ses amis, en coupl-, qu'il avait un cru- sur lui...

Cette fois où il -vait eu une ér- pend- un c--rs de p....

.....Un film pour ad- qu'il av- reg- deux semaines plus..... NON !

Impossible de ne pas penser à des trucs embarrassants maintenant que Prof l'avait mentionné, et les images avaient instantanément commencé à être retranscrites sur l'écran, mais à mesure qu'elle devenaient plus gênantes, la qualité semblait réduire, l'image et le son sauter, se couper sur les détails les plus désagréables, comme un film grossièrement censuré, jusqu'à ce que sur son dernier souvenir, le plus récent et dont il préférait réellement éviter de montrer les détails à Prof, il ne parvienne instinctivement à... Faire un truc.

Il n'aurait pas su le décrire. il n'avait pas les mots pour ça. Mais il senti clairement quelque chose se produire dans son esprit, et le flux d'information projeté par la technologie du Professeur devint parfaitement vide, ne montrant plus qu'un genre d'amas de formes et de couleurs désaturées et mouvantes, sans aucun sens.

Il resta parfaitement immobile, figé. Comme conscient qu'il venait d'accomplir un nouvel exploit dont il n'aurait pas dû être capable.

Naturellement, les images se bousculent. La chute ridicule. Le visage atrocement proche de cette jeune fille et les railleries autour d'eux. Le flou d'ébriété, la conversation risquée et les flashs sombres. Le regard vif et fuyant, l'inconfort dans le comportement, la convergence des mains qui cherchent à cacher l'évidence. L'écran d'ordinateur aux formes troubles mais reconnaissables, la scène qui s'estompe, pellicule d'un film qui ralenti et brûle. Le noir. Le vide. Je tapote frénétiquement sur la tablette à la recherche du problème. Calibration ratée? Non. La calibration est même terminée. - Oh. - Les relevés sont captivants, au point que je m'y perds de longues secondes avant de revenir à Adam. - Je ne m'attendais pas à ça. - Je croise son regard. Curiosité et hâte. - Attends. - Déposant la tablette où l'on peut voir différentes courbes, dont un en pic vertigineux, je fouille mes poches et en sort un petit porte-feuille. Je l'ouvre, le lui présente. Une feuille blanche s'y trouve. - Qu'est-ce que tu vois?

Prof ne commente pas les images. Dieu merci. Au lieu de quoi il s'étonne du bug causé par Adam, toujours figé, dans l'attente de voir ce qui pourrait se passer ensuite.

Et bien que ne s'attendant à rien en particulier, ladite suite le pris de court, lorsque le Professeur lui braqua un bout de papier blanc sous le nez.

- Qu'est-ce que tu vois?

Son regard passa de la feuille blanche au Prof, avant de redescendre sur le papier, puis de continuer encore un ou deux aller-retours, se demandant si c'était un genre de test auquel il fallait qu'il réponde correctement.

Une grimace incertaine vint déformer le pli de sa bouche.

- Un... Bout de papier ?..

Un... Bout de papier ?.. - Nothing on it? - Il secoue la tête. Un sourire amusé étire mes lèvres. Il devrait voir ma carte de La Bibliothèque. Le commun des mortels et des immortels verrait, mais pas lui. Ni moi. - This is a psychic paper. It shows whatever I decide. And people see it. But you don't. - Je range le papier psychique dans ma poche, reprend la tablette.

You have psychic abilities. - Lui dis-je sans détour. - Enough to see through the psychic paper, and block your thoughts or hide them. - Sans vraiment regarder, je prépare le programme. - It's a good thing. Not that exceptionnal when you know the numbers, but for a human, from Earth, it's pretty rare. And we can work with it. - La projection change de ton de noir. - Think about that memory, now. Let it go through you. Remember, it is just like a movie in your mind. You are safe.