Si son commentaire à mon apparent manque de sourire ne m'a fait que lever les yeux au ciel, je ne l'ai pas ignoré pour autant. Sachant pertinemment que trop sérieux je le suis, même lors de voyages de 'divertissement', mais il n'en sera sans doute jamais autrement. Là où lui profite du voyage, de la vue, des rencontres et de l'ambiance comme nulle autre de par la nature des passagers, moi je travaille. Je suis là pour garder un œil sur le Professeur, mais surtout l'aider. Là pour garder un œil sur lui aussi maintenant, car il ne me fera certainement pas croire qu'en cas de problème il se placera au premier rang pour sauver les miches de tout le monde. Qu'on me pardonne d'être sérieux et concentré sur ce que je fais. On verra s'il fera encore le malin le jour où il aura une arme alien pointée entre ses deux yeux. À la suite, j'ai simplement haussé les épaules avant de me concentrer sur le discours du Professeur et de celle s'étant invitée à la conversation. Invitée qui semblerait presque vouloir faire visiter beaucoup de choses à Adam à en juger par le joyeux mélange de ses propos et regards. Je réprime un nouveau sourire sans ajouter davantage à la conversation, comme à mon habitude. Le Professeur le sait de toute façon. Je ne suis pas un bavard et la présence d'un nouveau compagnon de voyage ne risque pas de changer cette mauvaise habitude. D'autant plus que, forcément, 'premiers humains à égayer mon regard depuis plusieurs années' n'est pas toujours un bon signe. À voir. Le Professeur semble connaître l'espèce donc j'imagine que ce sera à lui d'en juger, la destination aussi peut-être. Je me contente donc d'un bref regard dans sa direction en guise de 'c'est le plan?'.

Naturellement, je capte le regard de Spencer et y répond d'un haussement d'épaule discret, mais ce n'est pas tout ce que mon regard accroche. Un reflet dans une vitre. Un serveur qui passe. Une paire d'yeux qui s'attardent et le sursaut mécanique d'un piston qui fait vibrer la carcasse de métal. Ce sur quoi je m'arrête, pourtant, c'est la posture d'Adam qui change sensiblement. Mouvement arrière. Ouverture réduite. Défense par gêne. La suggestion de Fi n'en est pas la cause, bien au contraire. Seulement ce qu'elle ne dit pas ouvertement. - Si mes compagnons de voyage sont partants pour la visite, alors pourquoi pas. - Je n'y vois pas d'objection. - Dis-je en m'avançant sensiblement. - Nous pouvons bien prendre un jour de plus pour voir ça. - Le sourire de Filandra est sincère, tout autant que la réponse d'Adam. C'est d'ailleurs pour ça que j'accepte l'invitation. Pas que je compte nous y laisser plus que ça. Je ne veux pas totalement désynchroniser Adam. Après tout, il me faudra le ramener chez lui pour le boulot. Rien de plus déprimant.

Parfait. Dans ce cas, je m'occupe de tout. Je vais de ce pas retrouve ma... compagne. - Dit-elle d'un ton usé. - J'espère bien vous revoir au cours du repas. - Ajoute-t-elle malgré tout avant de s'éloigner, un dernier regard pour Adam dans la foulée. - Et bien. - Dis-je en me retournant vers eux, un sourire sur les lèvres. - Voilà nos vacances rallongées. - La vérité, c'est que je n'ai jamais visité Azangar. Je connais la planète de réputation, et parce que j'ai croisé quelques Azangariens durant mes voyages, mais c'est tout. Et de ce que je m'en souviens, Azangar est une planète plutôt riche. Technologie avancée et criminalité basse. Essentiellement une ville de business galactique avec des immeubles plus haut les uns que les autres. C'est en tout cas que j'ai expliqué aux garçons lors du repas. D'ailleurs, un divin menu. Et totalement comestible pour les humains, ce qui était plutôt sympa. Qui aurait cru que la carpe d'or d'Azangar était si tendre? Pas moi. Il faut dire que le dernier poisson doré que j'ai mangé... craquait sous la dent.

Durant toute la soirée, la procession des météorites a accompagné les heures. Le train s'est calé sur leur trajectoire et vitesse pour nous offrir ce spectacle le plus longtemps possible, et lorsque tout le monde a commencé à aller se coucher, un voile holographique est apparu sur les vitres pour en tamiser la lumière, plongeant les wagons dans une ambiance bleutée et feutrée. Nous ne sommes pas les derniers debout, mais nous sommes malgré tout loin d'être les premiers à rejoindre les cabines. - Time to sleep. - Dis-je en arrivant face à ma porte, les leurs alignées sur ma droite. - Ils servent le petit-déjeuner toute la matinée et le train contournera la lune de Po en début d'après-midi. N'hésitez pas à prendre votre temps. - Je dis ça, mais je sais parfaitement comment ça va se passer. Je ne vais pas fermer l’œil et Spencer sera debout aux aurores, s'il y avait une aurore, juste au cas où. Adam... Je ne sais pas encore. Je suppose que je serais fixé sur sa routine ensuite. - Bonne nuit, les jeunes.

Un vote pour la visite du côté d'Adam et un second du côté du Professeur. Voilà donc qui était réglé de ce côté j'imagine. Ce n'est pas comme si nous manquions réellement de temps dans tous les cas, un avantage des voyages dans le temps j'imagine. De mon côté, je me contente de glisser mes mains dans mes poches en attendant la suite. Cette pluie de roche devenant tout de même lassante après quelques instants malgré sa beauté que je ne peux nier. Tout ceci restait des roches se baladant dans l'espace alors tant que l'une d'elle ne comptait pas toucher le train, la suite de cette aventure à la destination encore un peu trop flou à mon goût restait davantage une préoccupation de mon côté. Des vacances? Était-ce réellement tout ce que c'était? La suite le laissait presque transparaître ne ce grand repas auquel nous avons participé et où, cette fois, j'ai pris le temps de manger. Il y a une limite à être suspicieux face à un plat inconnu et surtout une limite à ce que je suis en mesure de faire l'estomac vide. J'ai donc fait confiance au Professeur sur ce coup, comme tant d'autres fois, et ai mangé ce qui nous fût servi sans même sourciller. Ce n'est pas comme si je n'avais jamais mangé de la nourriture alien. L'alcool resta toutefois encore loin de ma bouche, pour le principe.

Le repas terminé, les occupants du train retrouvant peu à peu leurs cabines, nous en firent finalement de même après une brève explication de la part du Professeur concernant le fonctionnement du lendemain matin. « Bonne nuit. » Que j'ai simplement lâché avant de jeter un dernier coup d'oeil dans le couloir puis me déplacer dans ma cabine en fermant la porte derrière moi. Je n'avais jamais dormi dans un train alors un train de l'espace... Je pris tout de même le temps de me doucher avant d'enfiler un pantalon de pyjamas par-dessus mon caleçon. Ils étaient là pour ça après tout. Ceci fait, je me suis installé dans le lit, fixant le plafond en croisant les bras derrière ma tête. Je savais bien que je finirais par m'endormir sous la fatigue, l'épuisement normal, mais je savais également que j'aurais du mal à me laisser glisser dans les méandres du sommeil plus longtemps que nécessaire. Je n'idolâtrais pas le café sans raison.

Bonne nuit de l'un. Bonne nuit de l'autre. J'acquiesce en silence et entre en même temps qu'eux. Dans mon dos, la porte coulissante se referme dans un son d'aspiration et j'expulse un soupir. Voilà une journée bien pleine de terminée. Enfin, si je réfléchissais en humain. Je suis soulagé que tout se soit bien passé et qu'Adam semble content, mais je suis loin d'être fatigué. Malgré tout, fermer les yeux ne me fera pas de mal, je suppose.
Les cabines divisées en deux parties offrent un confort relativement idéal. C'est petit, certes, mais c'est tout de même agréable. J'abandonne mes chaussures à l'entrée, à nouveau soulagé lorsque mes pieds peuvent enfin respirer, et ma veste sur le porte manteau, également à l'entrée. D'un pas traînant, je rejoins la vitre et observe l'espace au-delà. Les météores se trouvent de l'autre côté du train. De là, je n'observe que l'ombre du wagon sur le voile ondulant des résidus de la propulsion. Comme de l'eau, invisible. Un train spatial voguant sur un océan calme et inexistant. L'image me tire un sourire. Peut-être que je les emmènerais voir l'Océan d'Urgo.

En attendant, je me libère de mes vêtements. Je pends la chemise au dos de la chaise. Le pantalon est plié et posé sur le bureau, le boxer également. Les chaussettes rejoignent les chaussures. J'ai des vêtements de rechange dans le Tardis, de toute façon. Il me suffira d'aller y faire un tour au matin. Pour tuer le temps, j'appuie sur un bouton, observe la douche coulisser et m'y glisse pour une longue demi-heure sous l'eau. Amusant. Je n'avais pas remarqué le voile énergétique, invisible, qui conserve la vapeur d'eau à l'intérieur de la cabine de douche. Et forcément, lorsque j'en suis sorti et que je rappuie sur le bouton, pour ramener le lavabo et son miroir, le reste de la chambre demeure épargnée de la vapeur. Etape suivante? Je m'étends sur le lit. Mon bras calé sous ma tête, j'attire le stylo sonique à moi de l'autre main, et le laisse tournoyer entre mes doigts. Mon regard, flou, rivé sur la paroi au-dessus de ma tête. Là où, normalement, j'aurais dû ranger mes bagages. Une paroi parfaitement propre, en métal, sans la moindre marque. Comme le reste du train, d'ailleurs. Irréprochable.

Je reste comme ça une bonne heure. Le temps nécessaire à réimaginer l'univers six fois. Est-ce que vous déjà vu un univers totalement violet? Maintenant, moi si. Malheureusement, ce n'est pas comme si ça m'aidait à dormir. J'ai bien essayé de compter les moutons... J'ai abandonné en atteignant deux milles trois cents soixante deux. Une heure, pile poil, à fixer cette paroi. À m'ennuyer comme un rat mort. À ignorer cette gravure faite à la main. - What the.. - Je me redresse d'un bond au choc sonore qui vrille mes oreilles, m’assomme contre le barreau du lit au passage. Lorsque mon regard redevient clair, il ne retrouve rien de plus que la paroi lisse et parfaite. Je l'ai probablement imaginé. Après tout, je viens aussi d'imaginer toute une planète faites de laine de mouton. Est-ce que je dormais? J'aurais pu rêver. Un micro-sommeil, peut-être. Quelques minutes pour me plonger dans un état onirique léger. Voir ce qui n'est pas. M’assommer, pour la forme. La douleur pulse, légère et froide, contre mon front. J'aurais probablement une bosse. Malgré tout, je pivote sur le lit et me relève. Automatique, une lueur tamisée éclaire mon approche du lavabo et je me penche pour lancer un peu d'eau fraîche à mon visage.

La face longue. La mâchoire légèrement asymétrique. De grands yeux bleus. Une barbe naissante. Des cheveux tirant sur le clair, assez longs pour être repoussés en arrière. C'est le visage que je vois dans le miroir lorsque je me redresse, ruisselant. Un nouveau bond en arrière. J'attrape le sonique et scanne le miroir. Mon visage. Le brun aux mèches grises qui apparaît dans le reflet. La face carrée qui a pris peur de sa propre image. Le miroir n'est qu'un miroir. Pas un écran. Pas une hologramme. Pas même un portail entre deux univers et franchement c'est tant mieux! J'aurais senti l'appel du Void, autrement. Non, ce n'est rien. Et puis le sonique émet un son qui attire mon attention. - That's not normal. - Pas le miroir. Rien à voir. Les symboles circulaires se réarrangent sur le stylo et je lis les résultat de l'analyse. Et je fronce les sourcils. Un nouveau choc bruyant me fait sursauter et je serre les poings. - On peut pas avoir une nuit tranquille...

Les doigts resserrés autour du stylo, je déboule dans le corridor et fait quelques pas en direction du wagon suivant, avant qu'un frisson ne remonte le long de mon dos. Et de mes jambes. Et de partout, en fait, parce que je suis toujours nu comme un vers et qu'il fait froid en dehors des cabines. Demi-tour en vitesse, j'attrape le pyjama rayé fourni avec la chambre et l'enfile. La touche finale, c'est la robe de chambre bleu nuit que je ne prends même pas le temps de fermer avant de repartir. Quelque chose cloche, ici. Et ce ne sont pas ces bruits, sous le sol, qui disent le contraire.

J'ai fermé les yeux après un moment, je ne sais combien de temps, laissant les mouvements subtiles du train bercer mon corps fatigué, épuisé même pour être franc. Je ne lui laissais pas la moindre seconde de repos, de répits, même lorsque nous étions sur Terre expressément pour cette raison. Les derniers mois, les dernières années même, m'avaient sembler passer comme un grand coup de vent que j'ai senti me frôler sans réellement le sentir m'imprégner. Comme si le temps avait passé si vite que je n'avais pas été en mesure de l'attraper et qu'il m'avait filé entre les doigts sans que je ne puisse faire quoi que ce soit d'autre que l'observer disparaître. Oh j'aime ce que je fais, je n'ai pas à me plaindre de ce côté, mais je ne sais définitivement pas m'arrêter. Je ne sais pas prendre le temps de respirer, me reposer, prendre un peu de temps pour moi autrement que pour dépenser l'énergie que je pensais déjà avoir totalement épuisé. Pas que je n'ai pas essayé à une époque distante où j'étais encore tout jeune dans l'armée, mais j'ai bien vite réalisé que le moteur de plusieurs serait ma perte, mon némésis, et c'est à partir de ce moment que j'ai décidé de la meilleure façon de passer mon temps. Alors cet endroit, cette attente sans fin de voir mon corps suffisamment fatigué plus qu'il ne l'est déjà pour arriver à dormir dans cet environnement que je ne connais pas et qui a un don certain pour titiller mes sens en alerte constante... m'empêche de faire quoi que ce soit de plus que fixer le plafond de cette cabine en respirant doucement. Pinçant les lèvres à quelques pensées effleurant mon esprit avant de fermer les yeux pour les reposer. Je soupire, replace mes bras sous ma tête, attend de voir le miracle du sommeil se produire, mais rien, toujours rien.

Rien de plus que cette insomnie me tiraillant parfois, cette absence de sommeil me faisant froncer les sourcils lorsque j'entends une porte s'ouvrir puis des bruits de pas avant que la porte ne s'ouvre à nouveau. Les sons me semblent tout près... Est-ce le Professeur? Je me lève doucement, replaçant mon couteau à ma jambe avant d'attraper la robe de chambre trainant non loin pour ensuite ouvrir la porte et passer ma tête dans le couloir. Constatant en effet la présence du Professeur et ce pas quelque peu pressé semblant le guider je ne sais où. Perplexe, je sors de ma chambre et referme doucement la porte derrière-moi, cognant à la porte de Adam au passage pour voir s'il est éveillé ou non. Je ne voudrais pas qu'on me reproche d'avoir fait rater toute l'action à notre nouveau compagnon de voyage après coup, même si visiblement le Professeur n'en avait que faire de nous en cet instant. Ce qui rendait simplement la situation plus suspecte en sachant trop bien l'impulsivité innée de l'alien que je comptais bien suivre dans tous les cas, essayant même de l'interpellé au passage en 'chuchotant' fortement. « Professeur? Qu'est-ce qui se passe? » Dans tous les cas, j'attendrais Adam quelques minutes avant de poursuivre, histoire de ne pas laisser le civil seul derrière si vraiment il y a un problème à bord de ce train. Certes, il n'était pas loin du Tardis, mais rien ne disait que la soute était encore sécurisée. « Adam? » Que j'ajoute finalement en cognant encore à sa porte, toujours en chuchotant très fort.

Professeur? Qu'est-ce qui se passe? - Je sursaute, insensiblement, et me retourne pour voir la tête de Spencer dépasser de sa porte. Il dormait. Son visage légèrement pâli et ses petits yeux me le confessent. - Chut. - Dis-je, dans un geste de la main, tout en continuant d'écouter. Il cogne à la porte d'Adam et je fronce les sourcils. N'ai-je pas dis chut? Dans la nuit intersidérale, l'espace hurle un silence profond. Le seul bruit véritable provient du système de propulsion. Un vrombissement permanent, auquel l'oreille s'habitue au point de l'oublier. Parfois, un sursaute des voitures se fait entendre, mais rien de fréquent. Et la locomotive, bien sûr. Cheminée factice qui libère une fumée holographique avec, parfois encore, un bruit de ventilation totalement artificiel. Bref, rien qui ne corresponde à... Spencer toque encore et j'expulse un soupir avant de m'allonger par terre. - Adam? - La porte coulisse. Je l'ignore. - Hey. Is there something wrong?.. - Je suis toujours par terre.

L'oreille collé contre la moquette rouge, bien ignorant de l'hygiène, j'écoute. J'écoute. Encore. Mais rien. Alors je me relève, confus. - Didn't you hear? - Dis-je à voix basse tout en me retournant vers eux. - A loud bang. - Complété-je avant de tendre le stylo sonique vers le sol et l'activer. Aucun son supplémentaire détecté. Rien d'anormal. Le pointant ensuite vers le reste du couloir, je l'active à nouveau. Le son caractéristique se fait à nouveau entendre alors qu'une lumière dorée anime la plume de l'objet. D'un œil avide, je lis les données. - HA! - Je leur montre le stylo par réflexe, oubliant momentanément qu'aucun de ces deux-là ne peuvent lire les symboles circulaires. - Augmentation de 2% de la concentration en particule Soran dans l'air!

J'observe toujours le Professeur, sourcils froncés, me demandant sérieusement ce qui peut demander à ce qu'il se couche au sol de la sorte. Entend-t-il quelque chose? Y a-t-il un problème avec le train? Difficile à dire puisqu'il ne me répond qu'un 'chut' ne m'empêchant pas d'essayer de réveiller Adam tout de même. Adam qui ouvre finalement la porte après un instant à posant une question à laquelle je n'ai justement pas de réponse et ce n'est pas faute d'avoir demandé. « I really don't know. Just come. » Que je lui réponds avant de m'approcher du Professeur daignant enfin ouvrir la bouche pour concrètement exprimer quelque chose de plus que ce 'chut' dont il m'avait gratifié. Est-ce que j'ai entendu quoi exactement? Je l'observe, assurément perplexe lorsqu'il mentionne un gros 'bang' que je n'ai assurément pas entendu. Si le simple bruit de ses pas a suffit à me faire sortir de mon lit, un 'bang' m'aurait assurément fait en bondir sans l'ombre d'une hésitation. Je secoue donc la tête pour lui signifier que non, tournant la tête en direction d'Adam pour voir si c'est son cas. Reportant mon attention sur le Professeur lorsqu'il lâche un 'HA'. « Une augmentation de 2%... C'est vraiment minime Professeur. Surtout en rien dangereux. Faut-il réellement s'inquiéter pour si peu? » Que je demande, en glissant les mains dans les poches de ma robe de chambre. Y avait-il quelque chose dans ces breuvages ou cette nourriture? Est-il en pleine crise hallucinatoire? Une partie de moi tend presque à le croire, mais la partie soldat en moi a assurément envie de chercher à comprendre le fond de cette histoire. Quitte à ne pas réellement dormir de toute façon. « Qu'est-ce qui a pu faire ce son à votre avis? Un bris avec le train? Problème technique? Est-ce que cela apaiserait votre esprit de faire une tournée pour nous assurer que tout va bien? » Il vaut mieux lui proposer ça que l'inciter à se recoucher. Je sais pertinemment qu'il ne le fera pas si quelque chose lui titille l'esprit. « Adam? Exploration nocturne? »

Une augmentation de 2%... C'est vraiment minime Professeur. Surtout en rien dangereux. Faut-il réellement s'inquiéter pour si peu? - Je lui lance un regard inquisiteur. Parfois, j'oublie qu'il sait des choses maintenant qu'il a été formé. - Qu'est-ce qui a pu faire ce son à votre avis? Un bris avec le train? Problème technique? - Bang. - Dis-je, sèchement, tout en laissant mon poing s'écraser contre la paroi extérieure du train, sans le quitter des yeux. - Est-ce que cela apaiserait votre esprit de faire une tournée pour nous assurer que tout va bien? - Don't mother me. - Irritable? Je n'aime pas imaginer des trucs. Je n'aime pas non plus être contre-dit quand j'imagine des trucs. Pire encore? Je déteste être contredit quand je suis sur que les trucs que je pourrais imaginer sont réels. En assumant que l'imaginaire n'est pas irréel. Ou réel. De quoi je parlais, déjà?

Adam? Exploration nocturne? - Sign me in. - Répond-il depuis sa cabine alors qu'il retourne chercher sa robe de chambre. Moi je m'éloigne déjà vers la porte, sonique en avant. - Et donc, cette particule en augmentation dans l'air, ça correspond à quoi exactement ? - La porte vers le wagon suivant coulisse dans un son d'aspiration. - Energetic residue from the propulsion system. It's safe for us. Just energy floating around. But it's a sign of something else. - Je tourne la tête vers Spencer. - 2% c'est rien, mais ça ne devrait même pas être là. - Un pas en avant. Un reflet blond dans la vitre. Je le capte du regard, cligne, le brun de ma tignasse glisse et disparaît. - Ces machines sont calibrées au tonitron prêt. Il n'y a pas de fluctuation. C'est d'ailleurs leur argument de vente le plus efficace. - Un nouveau coup de sonique. Toujours ces 2% dans l'air. Pas le moindre bang à l'horizon. Rien que le silence relatif du train et le son de mes pieds nus sur la moquette.

Ma voix reste basse, je ne veux pas éveiller tous les passagers. Ce que je veux, c'est rejoindre l'espace commun pour comparer les relevés d'un côté et de l'autre du train. Et éventuellement trouver quelqu'un qui aura entendu le bang aussi. Traverser les wagons des chambres n'a rien de bien compliqué. Ça va d'ailleurs plutôt vite. - Is there an after party and I'm not invited? - Fi, la tête passée par la porte de sa cabine de luxe. Bien sûr que mon sonique l'a réveillé. Un sonique silencieux, ce serait faisable? Probablement pas. - You should go back to bed. We're just taking a night stroll. There's noth... - BANG. Je fais volte-face. Le bruit venait du wagon aux banquettes bleues. Je décampe dans sa direction.

Je déboule dans le wagon suivant avec la subtilité d'un ours affamé. Aucune, pour être précis. La porte coulisse bruyamment. Mes pas sont lourds. Le sonique hurle. Je percute une table qui bascule. - Montrez-vous! - 2%. Anomalie constante. Personne dans la salle. C'est qu'une voiture plongée dans une pénombre nocturne. Un voile bleuté presque apaisant. Je me retourne. Le regard dans le vide. Une expression de confusion sur le visage. - I heard it... - Fi a suivi le mouvement. Elle porte une robe de nuit en satin tombante jusqu'à ses chevilles dans un voile de dentelle. - Que se passe-t-il? - Son visage est sensiblement plus pâle que lors de la réception. Probablement un effet de la pénombre. Un bruit de casseroles qui tombent rompt le silence assez brutalement et je fais, à nouveau, volte-face. - Les cuisines.

'Bang'. S'il aspirait faire dans la subtilité en m'intimant de me taire à peine quelques instants plus tôt, il ne tarda à lui même briser le silence du wagon en donnant un bon coup dans la paroi de ce dernier. Définitivement rien entendu s'apparentant à un bruit susceptible d'en éveiller plus d'un si tel est réellement le bruit qu'il a entendu. J'enchaîne tout de même en lui demandant si faire une tournée du train apaiserait son esprit, levant les yeux au ciel lorsqu'il me dit de ne pas le materner. Essayant surtout de mon côté de trouver une façon de gérer son anxiété plus que palpable face à quelque chose qui ne me semblait en rien catastrophique. Peut-être y avait-il quelque chose oui, mon job était en grande partie axé sur des peut-être, mais si quelque chose il y a je n'ai pour le moment rien entendu, vu ou même senti. Rien de plus que l'attitude perturbante du Professeur. Je ne rebrousse tout de même pas chemin, jugeant préférable de faire cette tournée proposée par simple précaution. Après tout, les oreilles plus fines que celles du simple humain que je suis font peut-être parties de toutes ces choses que je ne connais pas encore du Professeur. En cas de doute… Puis, Adam étant partant pour une petite expédition il serait dommage de l'en priver également, me permettant du même coup de juger un peu plus amplement son caractère.

Nous amorçons donc notre progression vers le wagon commun dans lequel nous nous trouvions plus tôt, circulant près des portes de chambres alors que je garde un oeil sur nos arrières sporadiquement par pur réflexe. Ne portant que peu d'attention à l'alien croisée plus tôt s'interposant dans notre petit cheminement jusqu'à ce que le Professeur ne stoppe net son discours avant de se précipiter vers la destination prévue. A-t-il entendu quelque chose? J'interroge brièvement Fi et Adam du regard avant de suivre le pas pressant du Professeur dont l'attitude ne peut que confirmer qu'il a entendu ou sinon vu quelqu'un ou quelque chose. Rien, il n'y a pourtant rien lorsque nous arrivons dans le wagon. Rien de plus qu'un Professeur semblant près de hurler davantage qu'il ne le fait déjà. Ce ne peut pas être la nourriture, nous serions tous affectés j'imagine. Je fronce les sourcils, soupire, puis me braque finalement en entendant la chute précipitée de casseroles.

Sans attendre davantage, je m'y dirige en tête de groupe en tâchant d'être plus subtile que le Professeur n'a pu l'être. Même si notre présence a été trahie depuis longtemps. Avançant davantage, je constate la présence d'un corps au sol, pris de convulsions, qu'il me semble avoir vu plus tôt dans la soirée. Pas le temps de penser. J'attrape plutôt rapidement une cuillère de bois, retire ma robe de chambre pour la lui placer sous la tête, lui colle la cuillère entre les dents puis la tourne sur le côté afin de la tenir et l'empêcher de se blesser ou de s'étouffer. « Ça va aller... » Que je lui dis doucement tout en l'observant plus amplement. N'est-ce pas l'alien qui a presque renversé son plateau sur le Professeur? « Ça va aller... » Que je continue de dire sans la relâcher. « Vous voyez quelque chose? » Que je demande tout de même aux autres, m'étant jeté sans réfléchir pour aider l'inconnue sans porter davantage attention aux détails de l'environnement.

Ça va aller... - Aussitôt dans la cuisine, Spencer se jette au sol pour porter secours à la jeune serveuse. L'espace que prend la cuisine n'est en soit pas si large. Y entre à tous n'est pas possible, aussi je préfère leur laisser l'oxygène. De toute façon, j'arrive après la guerre. Adam devant moi a été plus vif, une preuve s'il en est que mon esprit est ailleurs. Utilisant sa robe de chambre comme un coussin de fortune, Spence tente de mettre la serveuse un peu plus à l'aise tout en essayant de contrôler les convulsions. Ou plus précisément, éviter qu'elle ne se blesse. Il serait possible de les arrêter avec les bons produits, mais il me faudrait plus de temps pour aller les chercher dans le Tardis que d'attendre qu'elle cesse d'elles-mêmes. - Vous voyez quelque chose?

Mon regard quitte le visage blafard de la jeune femme pour courir sur les murs de la cuisine. La porte donne sur une pièce exiguë, cadrée de plans de travail et de meubles de rangement. La paroi en face est occupée par une large vitre, similaire aux autres, devant laquelle la continuité du plan de travail s'étend également. Dans le fond du silence perturbé, on entend le vrombissement d'un large frigo. Par terre, outre la malade et le soldat, on ne peut rater les casseroles et ustensiles éparpillés, mais également un verre brisé et un liquide. De l'eau? Le liquide est brouillé, opaque. Il y a quelque chose dans l'eau et je la scanne immédiatement de mon sonique. - Qu'est-ce que vous faites? - Il ne faut pas longtemps pour que les résultats arrivent. - Ilutronat. Analgésique izangarien... - Anti-douleur dit douleur. Quel type de douleurs? - Vous avez dit que l'augmentation de particules Soran dans l'air était inoffensive pour nous, est-ce qu'elle l'est pour tout le monde ? Pour toutes les espèces à bord du train?

Mon regard trouve celui d'Adam et je fronce les sourcils. Avant de comprendre. Un coup de sonique sur la serveuse ne révèle rien de plus que les chocs électriques que son cerveau subit. L'intensité en décroissance, d'ailleurs. Me retournant, je scanne Fi. - Hey! Pointez ça ailleurs! - Perturbation de la répartition sanguine. Inflammations légères localisées. - Est-ce que vous vous sentiez bien, Fi? - Un soupir agacé lui échappe. - Je vais très bien. Vous m'avez tiré du lit, je vous rappelle. - Un nouveau coup de sonique et plus d'informations arrivent sur le petit écran. - Ne vous avisez pas de recommencer ça. - Pas de migraine? - Ça ne va pas tarder, à ce rythme. - Menace-t-elle. À mon tour de soupirer. - Particule Soran. Est-ce que vous savez ce qu'elles sont? - Un résidu énergétique de certain système de propulsion. Dans les usines, on s'en protège en manipulant les cristaux carburants dans des chambres isolées. - Parce que? - Parce que les Izangariens y sont particulièrement sensibles. - Mon regard se perd dans le vide alors que mes cerveaux s'activent. Au ralentis. Pourquoi mon esprit est-il si à l'ouest? - Mais je vais bien!

Entre les mains attentives de Spencer, la jeune serveuse cesse de bouger. Un coup de sonique confirme que l'attaque est terminée. - Elle est de nouveau stable, et toujours vivante. - Dis-je avec une certaine gravité. J'aurais dû être soulagé. Je ne le suis pas. Pourquoi? Un frisson remonte le long de mes jambes et je me libère de ma robe de chambre pour la poser sur le dos arrondit, et nu, de Spence. - It's cold in space. - Dis-je simplement avant de m'éloigner de là. Je porte le pyjama complet, pas lui. Autant laisser à la serveuse son oreiller. Je fais quelques pas, pivote, refait quelques pas, et lorsque mon regard croise celui d'Adam, j'acquiesce. - Nice catch. - J'aurais dû le voir. J'aurais dû comprendre immédiatement. 2%, c'est ridicule. Pourtant, elle est bien pâle. Ce n'était pas un effet de la pénombre. La nourriture? Possible. Improbable. Je retourne vers les cuisines, ouvre le frigo, scanne le tout comme un forcené et laisse mes épaules retomber lorsque rien d'utile n'en ressort. Une fois le frigo refermé, je viens m'agenouiller avec Spencer et scanne la jeune femme. Désormais stable, je peux déceler le taux de particule dans son organisme. Important. Plus que dans celui de Fi. Flux sanguin régulier. Activité cérébrale altérée. Respiration calme. Je me relève. Ressort de la cuisine. - I'm missing something...

Mon regard passe de l'une à l'autre des personnes présentes dans la pièce ou non loin, mes mains tenant toujours fermement l'alien. Non pas suffisamment pour la blesser, mais au moins suffisamment pour l'empêcher de se cogner quelque part et se blesser du même coup. Je ne suis forcément en rien davantage efficace dans la situation ne semblant pas comporter d'ennemi particulier de toute façon et écoute donc la suite de la conversation avec attention. Je ne suis pas stupide, je sais réfléchir, je sais penser, mais je sais aussi trop bien que malgré les connaissances que j'ai pu accumuler mon cerveau cartésien passera toujours à côté d'un détail ou un autre. Chose qui ne fût pas le cas du Professeur et de Adam. Le cerveau donc ce jeune homme qui me semblait figé et peut-être même un peu blafard quelques instants plus tôt. C'était donc de ça dont notre équipe était constituée à l'heure actuelle, un mélange d'action et de cerveau rejoignant les multiples facettes de la personnalité du Professeur. Il y avait de quoi faire. Observant l'alien, espérant qu'elle cessera bientôt de convulser et me demandant ce que l'analgésique mentionner peut bien servir à neutraliser, j'écoute le sonic s'activer dans mon dos et la petite guerre semblant s'animer entre Fi et le Professeur essayant sans doute de confirmer la réflexion de notre nouveau compagnon de voyage. Si les Izangariens y sont sensibles, qu'on se dirige il me semble vers leur planète et que ces particules sont potentiellement dangereuses... C'est que forcément quelqu'un a voulu causer du tord à certain des passagers de ce train. Ce qui n'explique tout de même pas ce 'bang' que je n'ai jamais entendu.

Je fronce les sourcils, sentant finalement ma patiente du moment cesser de bouger entre mes doigts. Doucement, je retire la cuillère de sa bouche et la couche sur le dos en ajustant la robe de chambre que j'ai placé sous sa tête pour qu'elle soit un minimum confortable. « Hum. » Heureusement qu'elle est vivante, mais ça ne semble pas ravir le Professeur pour autant. Pourquoi? Je ne fronce que davantage les sourcils en le sentant poser sa propre robe de chambre contre mes épaules en prétextant qu'il fait froid dans l'espace. Et bien heureusement que nous sommes dans un train dans ce cas. Qu'est-ce qui se passe pour qu'il soit à l'ouest à ce point? Ce n'est pas normal tout ça. Est-il touché par ce changement de particule également même s'il semblait prétexter que non? « Professeur... qu'est-ce qui se passe? » Demandais-je en repoussant la robe de chambre. « Le bruit, le 2%, leur sensibilité... Y a-t-il... quoi que soit ou qui que ce soit qui ait une quelconque valeur dans ce train? » Puisque les évidences s'accumulant commence à laisser présager que tout ceci n'arrive pas sans raison. J'allais ajouter quelque chose lorsque je reporte mon attention sur l'alien près de laquelle je suis encore penchée, remarquant à ce moment qu'elle me fixe. « Vous allez bien? »

Professeur... qu'est-ce qui se passe? - I don't know. - Le bruit, le 2%, leur sensibilité... Y a-t-il... quoi que soit ou qui que ce soit qui ait une quelconque valeur dans ce train? - I don't know! - Je manque quelque chose. Quelque chose d'évident. Quelque chose qui se pavane sous mes yeux comme une foutu vache au milieu d'un foutu couloir. C'est sous mon nez. Sur le bout de ma langue. C'est juste-là, et ça refuse de se montrer. Je m'éloigne des cuisines, Adam sur mes talons, pendant que Fi reste entre les deux malgré les deux pas qu'elle fait vers nous.

Vous allez bien? - La serveuse ouvre les yeux, faiblarde, mais consciente. - Je... Que s'est-il passé? - Elle essaye de regarder autour d'elle, mais la lumière du plafonnier semble lui faire mal aux yeux. Elle fait mine de vouloir se redresser, mais au moindre mouvement, sa tête semble lui faire un mal de chien et elle retient un cri dans sa gorge. - De.. De l'eau.. S'il vous plait...

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Professeur ? On est dans un train, mais c'est aussi un vaisseau spatial. Y aurait pas des combinaisons étanches... - Coupé dans mes réflexions par la voix de l'humain je lui porte mon regard alors qu'il suggère une protection pour les deux Azangariennes. Pourquoi est-ce que je n'ai pas fais ça avant? J'aurais dû y penser. J'aurais dû agir plus vite. - Oui. - Dis-je en balayant la salle du regard. - Enfin, non. - Je sors le sonique de ma poche et fait pivoter sa corps sombre pour révéler un enchevêtrement de rouages particulièrement complexe. Vieux modèle de sonique sans interface télépathique. Il faudra que je l'améliore. - Une particule est par définition intangible. Elle traverserait n'importe quelle combinaison, mais je peux les ralentir. - Calibrage terminé, je referme le couvercle et revient vers Fi. - Je vais générer un voile protecteur autour de vous pour empêcher les particules Soran de vous atteindre. Il sera ancré à la production électrique de votre corps et suivra vos mouvements, mais évitez de courir ou vous risquez de le perdre. - Et n'attendant pas son feu vert, j'agis. Le sonique s'allume d'une lueur verte et en quelques secondes, un voile translucide énergétique de la même teinte apparaît autour d'elle, comme une seconde peau, à quelques centimètres de la première. Et lorsque j'arrête, il s'estompe. - Bouclier énergétique de basse intensité. C'est tout ce que je peux faire pour l'instant, mais il devrait absorber une partie des particules.

Ce n'est pas idéal, mais ça nous fait gagner un peu de temps. Fi n'a pas l'air ravi de servir de cobaye, mais elle n'a pas le choix, et je me tourne vers la serveuse. - Spencer. Recule. - Lui dis-je en pointant le sonique vers elle. Aussitôt enclenché, le voile se matérialise sous nos yeux, mais pas seulement. La peau de la serveuse s'éclaircit. Elle se met à scintiller. Son corps se remet à trembler. - Pas maintenant... - Je redouble d'effort, encore que mon effort soit plus inutile qu'autre chose vu que le sonique fait tout le boulot. La serveuse s'agite et des arcs électriques remontent le long de ses bras. Contenus par le voile, ils n'atteignent pas Spencer, mais rejoigne son torse et dans un sursaut brutal, son corps s'immobilise. Inerte. Sa peau se cristallise alors et se fige à son tour. Ses yeux, dernière chose à bouger, deviennent deux billes de verre. - Crise cardiaque. - Dis-je avec une certaine gravité. - Il était trop tard.

Je jète un bref regard au Professeur avant qu'il ne quitte la pièce, Adam sur les talons, préoccupé par ses réactions, mais surtout cette expression sur son visage témoignant de son esprit qui tourne et cherche quelque chose en ce moment. Quoi? Ça je ne saurais le dire et ne le saurai pas dans les secondes à venir de toute façon. Je concentre donc mon énergie sur la serveuse reprenant peu à peu une certaine contenance, assuré que je ne suis pas la meilleure personne pour entretenir une conversation avec elle. Je fais donc au mieux pour lui poser quelques questions sans trop la solliciter non plus puisque je me doute bien qu'elle a besoin de se reposer après cet épisode ayant malmené son corps. J'arrive à obtenir quelques informations, ne sachant si elles pourront nous servir, mais ce sera tout de même mieux que rien du tout compte tenu de la situation. Je pause une main que j'espère apaisante contre son épaule alors que j'entends le Professeur revenir et parler d'un bouclier énergétique. Dans le but de les protéger de cette chose semblant les agresser je suppose. Je recule lorsqu'il me le demande, fixant l'alien devant moi en attendant que le processus ne se termine... me crispant finalement tout entier en voyant son corps scintiller et trembler, me faisant violence pour ne pas simplement retourner auprès d'elle et l'aider. Je ne peux que rester là, à la fois si près et si loin, admirant les arcs électriques et ce sursaut qui vient tout stopper. Des gens qui meurent j'en ai vu, j'en ai vu plus d'un même et certains ont connus la mort par ma faute, mais ça ne rend pas la chose plus agréable ou facile à regarder pour autant. Ce n'est pas quelque chose que l'habitude peut alléger.

Je prends une inspiration avant de me lever pour retourner après des autres et leur faire part des informations que j'ai obtenu de sa part. Je ne sais pas si ça pourra aiguiller la suite des choses, mais le Professeur sera sans doute en mesure de nous le dire. « Elle m'a dit avoir une migraine récalcitrante depuis des heures, que ça a commencé à la dernière station. Elle a mentionné la station... Gat 38 il me semble. Elle essayait simplement de calmer la migraine. » Et elle a terminé sa journée morte d'une crise cardiaque... « Ça vous évoque quelque chose cette station? » Je jète un coup d'oeil vers Adam par réflexe, me demandant comment il va réagir face à son premier cadavre. Premier oui, car malheureusement pour lui je crains que ce ne sera pas le dernier.

Fi s'est tétanisée sur place, une expression de colère paralysant son visage. Spencer est resté un moment à genoux, au sol. Là où il se tenait lorsque la jeune femme s'est solidifiée. Adam... Adam n'a pas bougé non plus. Adam s'est figé sur place, face à un réalité à laquelle il n'était pas préparé. À laquelle j'aurais dû mieux le prévenir. Naturellement, ma main vient se poser sur son épaule, comme un rappel au présent. Spencer finit par quitter la cuisine dans un soupir et j'invite Adam à se retourner. À détourner le regard pour mieux se concentrer sur le problème qui vient de prendre une ampleur plus importante. Dans le même geste, mon esprit commande à la robe de chambre de recouvrir la jeune serveuse. Un souffle mental, rien de plus. Un façon de la préserver.

Elle m'a dit avoir une migraine récalcitrante depuis des heures, que ça a commencé à la dernière station. Elle a mentionné la station... Gat 38 il me semble. Elle essayait simplement de calmer la migraine. - Fi sort de sa torpeur en un simple regard porté sur le soldat. - Ça vous évoque quelque chose cette station? - Fi? - Je fais partis des passagers qui ont embarqué à cette station-là. De nombreux Azangariens, mais pas seulement. - Donc d'autant plus de victimes potentielles. - Dis-je en croisant les bras.  Mon regard dérive vers les météores toujours en chute à l'extérieur. - Nous sommes arrivés essentiellement au même moment. La serveuse a dit que ses soucis ont commencé à partir de ce moment-là, alors pourquoi Fi n'a rien? Ni les autres? - Fouillant mes poches de gestes brusques, j'en sors mon billet et matérialise le plan du train. - Told you these would come handy at some point. - Dis-je en point du doigt une zone du plan. - Les quartiers des employés se trouvent un peu plus loin, sous nos pieds. Plus proches des machines que les cabines passagers... - Il y a d'autres azangariens parmi eux. - Réalise Adam à haute voix.

Mes yeux s'agrandissent et dans un sursaut, je pars en courant vers l'avant du train. Nous passons les cuisines où la serveuse anonyme réside. Nous passons une séries de banquettes isolées et une porte s'ouvre à notre approche. Il s'agit d'un sas. En face, une autre porte mène à la locomotive pendant qu'une autre, sur la gauche, donne sur un escalier raide. Sans hésitation, je tourne et descends. J'aurais bien sauté en bas, mais le plafond n'est pas si haut et je suis grand. En bas, d'ailleurs, nous tombons sur une petite pièce et deux portes. L'une donne sur la réserve de nourriture. C'est écrit dessus. De la même façon, l'autre indique les quartiers des employés et je ne prends même pas la peine de toquer. La porte coulisse brutalement et le bruit de claquement fait son boulot. Pour certains, en tout cas. Les lumières de chevets s'allument les une après les autres. Des silhouettes se redressent dans des lits enchaînés à la suite des autres comme dans un dortoir commun. Il y en a une vingtaine qui se font face, surplombés de filets à bagages. Dix neufs employés du train encore dans le dortoir. Seulement dix lumières s'allument.

Un cri brise le silence. Je ferme les yeux dans un vertige et recule d'un pas pour laisser l'accès libre. L'affolement s'empare du dortoir alors que les cadavres cristallisés des azangariens scintillent aux pâles lueurs artificielles. Une silhouette aux cheveux clairs passent dans mon regard. Je cligne des yeux. Elle a disparu. Fi est un peu plus pâle que lorsque nous étions en haut, mais quelque chose me dit que ça n'a rien à voir avec les particules cette fois. Elle le cache pourtant bien. Tout dans son attitude donne le change, si ce n'est cette pâleur incontrôlable et ces lèvres pincées. Tout va trop vite. Non... Je suis trop lent. Des événements que je devrais pouvoir anticiper. Du coin de l’œil, j'aperçois cette silhouette à nouveau. Les épaules larges. Sans visage. Il s'estompe dans l'ombre. Qu'est-ce qui m'arrive...

L'atmosphère me semble soudainement lourde, chargée, alors qu'elle me semblait encore si légère et portée par l'essence du voyage à peine quelques heures plus tôt. Une preuve en soit que toute situation peut rapidement dégénérer, mais ça je le savais déjà. Je ne suis pas constamment sur mes gardes sans raison, pas tristement sérieux en permanence parce que ça me plait de l'être. Je le suis parce que je sais que des situations comme celles-ci peuvent se produire au moment où nous nous y attendons le moins et je sais aussi que l'attitude du Professeur est bien souvent synonyme de ce qui se produira lorsqu'il agit de la sorte. Ne jamais prendre à la légère l'attitude du Professeur. Je le vois essayer de ramener Adam dans le monde de vivant, écoutant Fi parler de la station que j'ai mentionné en précisant qu'ils sont plusieurs à être monté à bord du train à cette dernière. Ce qui ne peut assurément rien augurer de bon compte tenu de la situation et ce qui vient de se produire. Plus de victimes... et il ne faut pas davantage que la réalisation d'Adam pour que le Professeur s'élance en courant. J'attrape Adam par le bras pour le faire me fixer dans les yeux, à peine quelques secondes avant que nous suivions notre guide là où je ne peux que supposer qu'il est déjà trop tard. « Tout va bien se passer ok. Je suis là pour qu'il ne t'arrive rien, ça ira. » Je ne veux pas qu'il ait peur, qu'il fige ainsi chaque fois que quelque chose se produit. Je peux trop bien comprendre que c'est épeurant, traumatisant, que ça secoue intérieurement et fait ressentir des choses auxquelles on ne veut pas penser, mais je ne veux pas qu'il soit terrorisé de voyager avec le Professeur pour autant. Surtout pas en si peu de temps. Alors je prends simplement le temps de lui rappeler pourquoi moi je suis là avant de m'élancer à mon tour sur les traces du Professeur qui parcourt rapidement le train jusqu'à un escalier que nous dévalons jusqu'à nous trouver face à deux portes. Si la première ne semble pas digne d'intérêt, la seconde promet sans doute plus que ce pauvre Adam arrivera à supporter.

La folie s'empare rapidement des survivants que je laisse passer comme tout le monde, sentant le vent de panique s’engouffrer dans la pièce dès lors que les premiers cadavres sont découverts. « Il faut qu'on stoppe ce train. Il y a une station non loin où on peut le faire arrêter? » Parce que si on n'arrive pas à sortir tous ces gens du train le compte des corps ne fera qu'augmenter. Ayant noté le mouvement de recul du Professeur, ses yeux fermés, je m'approche également de lui pour poser une main sur son épaule et le questionner. « Vous allez bien? » Bien ne semble assurément pas être un mot pour le qualifier depuis son éveil c'est une évidence et là où il ne semblait pas savoir lorsque je lui ai demandé, je ne peux m'empêcher de me demander s'il n'y a pas quelque chose dans ce train qui l'affecte lui aussi. Adam et moi semblant pour le moment être le seul à ne pas avoir une attitude étrange ou un teint plus blafard que la normal. « Peut-être devriez-vous retourner dans le Tardis. » Dis-je finalement en fronçant les sourcils. « Je sais que nous devons faire quelque chose pour les aider, mais si vous n'êtes pas en état et que nous ne savons pas pourquoi nous allons avoir un plus gros problème. »

La main de Spencer sur mon épaule me sort de mes pensées et de cette vision trop consistante que je cherchais à revoir. - Vous allez bien? - Je lève la tête vers lui. Quoi répondre à ça? À l'évidence, je suis en retard sur tout. Mes cerveaux sont probablement l'une des choses les plus précieuses de ce siècle et des suivants, et je me retrouve à la traîne. Un boulet aux chevilles d'humains et d'une bête différence de concentration d'une stupide particule. - Peut-être devriez-vous retourner dans le Tardis. - Non. - Je sais que nous devons faire quelque chose pour les aider, mais si vous n'êtes pas en état et que nous ne savons pas pourquoi nous allons avoir un plus gros problème. - Un nouveau Bang retentit et je tourne machinalement la tête. Ce truc tambourine, c'est une torture. À chaque fois que mon esprit divague. À chaque fois que je perds ma concentration, le coup revient me hanter. Comme pour me recentrer. Et si je l'ignore? J'ai déjà fais ça, c'est pire. - Prof, est-ce qu'on peut faire quelque chose pour aider ? Vous ou les autres ?.. - Je pose mon regard sur Fi. Depuis que les premiers cris ont été poussés, elle se trouve particulièrement silencieuse. Et blême.

Nous gaspillons du temps... - Secouant la tête, je me relève. Un regard balaye la petite pièce et je ressors mon billet avec le plan. - J'ai fais bien plus dans de bien pires états. - Discutable, mais ce n'est pas le moment d'en débattre. - Nous allons descendre voir ce qui se passe avec les propulseurs. Adam, tu restes ici avec Fi. Essayes d'aider les... - Certainement pas! Vous n'irez nulle part sans moi. - La meilleure façon de vous gagner du temps serait de vous envoyer en queue de train. - Je vous suis. - Un soupir m'échappe, profond et agacé. - Soit. Si vous voulez mourir plus vite...

Ni une ni deux, je tourne les talons et rejoins l'escalier pour le grimper en vitesse. Pas trop vite, pour ne pas heurter le plafond, mais je ne prends pas mon temps pour autant. De retour en haut, j'utilise le sonic pour déverrouiller la porte au wagon suivant et la traverse. La locomotive. Nous atterrissons dans un corridor de la taille d'une petite cabine. Deux portes, une échelle dans une paroi ouverte. J'ignore les portes et j'emprunte sans attendre les échelons. - Inutile de stopper le train. Notre prochain arrêt est Izanga. - Le niveau mécanique n'est clairement pas caractérisé par son aspect spatiaux. Bien au contraire. L'échelle donne sur un couloir formé de nombreuses conduites et tuyaux. Une série de lampes au plafond éclairent le passage et c'est tout juste si je peux y avancer sans me mettre de côté. Derrière l'échelle se trouve la prolongation du corridor de tuyaux, mais j'utilise le sonique pour nous diriger et nous partons donc dans l'autre sens.

La concentration en particule Soran est plus haute ici. Je peux sentir la tension énergétique dans l'air et le bouclier autour de Fi commence à se voir. Un très léger voile clair, comme une aura autour d'elle. Nous passons plusieurs blocs de maintenance. Les systèmes électroniques, les systèmes de survies et, au fond, la génératrice des propulseurs. Dans un espace plus supportable, de la taille d'une petite chambre, il s'agit d'une série de trois colonnes de verre dans laquelle on peut voir une multitude de cristaux violacés en suspension, comme en apesanteur. Les colonnes sont fixées à un gros blocs métalliques, là où toute ingénierie a été organisée, et elles se prolongent par le haut d'épais câbles. Des câbles qui acheminent l'énergie aux différents points de propulsion, répartis entre les wagons. - Pretty. - Deadly. - Yeah, that too. - Je m'approche de la génératrice et active l'écran installé juste devant. Panneau de contrôle que je pirate d'un coup de sonique pour localiser les anomalies ou autre dysfonctionnement.

Quelques secondes suffisent pour afficher un historique des anomalies et entrées. Pas d'alerte. Pas d'erreur. Pas de problèmes, mais... - Quelqu'un a manuellement modifié les paramètres de production énergétique. - Les petits cheveux sur ma nuque se soulèvent. - Un sabota... Tsk, tsk, tsk... - Je me retourne. À l'issue du corridor, nous bouchant le passage, un homme de taille et corpulence moyenne engoncé dans un costume noir de qualité nous tiens en joue avec son arme. - Toujours dans mes pattes, à ce que je vois.

Forcément qu'il ne veut pas retourner dans le Tardis, forcément qu'il ne veut pas simplement laisser tout ceci en plan même si c'est peut-être pour son bien. Je le connais trop bien depuis le temps, mais je n'ai tout de même pas été en mesure de me retenir de proposer ce passage dans le Tardis ne serait-ce que pour qu'il puisse confirmer que le Professeur n'est pas lui aussi atteint par ce dérèglement d'une façon ou une autre. Après tout il ne semble définitivement pas au meilleur de sa forme et si j'étais plus que sérieux lorsque j'ai dit à Adam que j'étais là pour le protéger, n'ayant pas passé tant de temps à m'entraîner avec des aliens pour le simple plaisir de le faire, ça ne fait pas de moi un expert pour autant. S'il devait arriver quelque chose au Professeur... Je ne sais pas si j'arriverais à me pardonner ce nouvel échec que je me suis promis de ne pas réaliser lorsqu'il a changé de visage la première fois en ma compagnie. S'il lui arrive quoi que ce soit et que je n'ai pas insisté... Son prochain visage n'aura jamais eu pire cauchemar dans sa vie que ma présence ça je peux le lui assurer. Sachant très bien que je n'arriverai pas à le faire changer d'avis, je me contente de croiser les bras en l'observant. Attendant de voir ce qu'il a de mieux à proposer alors qui n'impliquera pas deux humains complètement paumés dans un train de l'espace, d'entendre ce qu'il répondra aux questionnements d'Adam. On perd du temps. Forcément qu'on perd du temps, mais il pourrait difficilement en être autrement alors que nous ne savons pas quoi faire pour aider qui que ce soit à l'heure actuelle. Il se passe des choses hors de notre contrôle d'une source inconnue qui ne fait qu'augmenter le compte de morts dont Fi aspire visiblement faire partie en insistant pour nous suivre malgré les commentaires du Professeur qui voulait la laisser avec Adam.

Je soupire à la suite du Professeur qui s'élance déjà en jetant un coup d'oeil aux deux autres. « Prévenez si vous ne vous sentez pas bien. » Dis-je à l'attention de Fi avant de suivre notre guide toujours animé d'une détermination semble-t-il à toute épreuve, le suivant dans ce labyrinthe sans fin nous faisant finalement aboutir dans ce que je suppose être la salle des machines. Assurément pas en présence d'un champ d'expertise, je laisse le Professeur évaluer la situation en jetant des coups d'oeil aux alentours, fronçant les sourcils lorsqu'il mentionne que quelqu'un a modifié les paramètres de production énergétique. Ce qui confirme sans doute que quelqu'un aspirait réellement faire du tord à un sinon plusieurs des passagers de ce train, mais qui et pourquoi... voilà une question qui ne tarda à partiellement trouver sa réponse alors qu'une voix s'élève dans le corridor. La voix d'un homme dont je reconnais malheureusement bien trop le visage, ressentant immédiatement un effroyable frisson me parcourir l'échine. Je jète un bref regard au Professeur, serrant les dents alors que je me place devant Adam et Fi pour faire office d'un semblant de bouclier. Ne risquant pas de mouvements pour atteindre le couteau qui se trouve à ma jambe et ne me serait de toute façon d'aucune utilité face à son arme. Je me contente de rester sur mes gardes, prêt à frapper au besoin, mais surtout déterminé à protéger les deux autres de ce maniaque qui n'a pas intérêt à les approcher. Laissant pour le reste le Professeur poser les questions.