Est-ce que tu as fais le diagnostic d'intensité résiduelle du Void? - Une soufflerie s'enclenche. Quelques sons électroniques l'accompagnent. - Et tu comptes faire ça quand? Quand j'y serais piégé de nouveau? - Un son de tambour raisonne. Le faisceau lumineux s'affine et gagne en intensité. - Oh, ne prend pas ce ton-là avec moi. J'ai lancé ce diagnostic avant-hier! - Un silence. Un flash. Une porte s'ouvre et une chaussure s'en envole. Elle percute l'arrière de mon crâne. La porte disparaît aussitôt. - Hey! - Je me masse la tête. Une bosse. Je vais avoir une bosse. - Super mature. Bravo. - Et j'aurais probablement continué si le grand écran ne s'était pas allumé, précédé d'une petite alarme.

À l'écran, un plan ultra détaillé de Londres, et plus précisément du quartier de Camden. - Qu'est-ce que tu vois? - La carte se réduit. Zoom en avant sur l'une des rues, proche du marcher. Elle est cloisonnée d'un rectangle doré et une série de symboles galifreyen s'affichent tout autour. - What the... - Anomalie temporelle. Effets sur une surface  définie. Multiples victimes. Mon regard parcourt le plan avant de se tourner vers la console. - Reste ici. Hors de question de te mettre au milieu d'une anomalie. Et bien sûr, Spencer est en réunion avec Kate... - Ma veste abandonnée sur le fauteuil se retrouve rapidement sur mes épaules. - Envoie une alerte à UNIT. Dis-leur que je me rends sur les lieux, mais qu'ils ne doivent surtout pas pénétrer le périmètre. Contrôle de la circulation et quarantaine temporaire, rien de plus. - Bracelet au poignet. Veste enfilé. Je pose la main sur la poignée de la porte. - Si j'en vois un faire du zèle comme la dernière fois, je l'envoie brouter de l'herbe sur la lune...

L'avantage de UNIT? Des véhicules à disposition. Un passage dans le garage et j'enfourche l'une des motos. Bon, ok, elles ne sont pas à dispositions, mais personne ne m'arrête. Il me faut le temps de traverser la ville, griller quelques feus et faire hurler quelques vieilles dames avant de débarquer sur place. Rien. Rien?  Les gens marchent. Découvrent. Explorent et visitent. Ils font leur vie pendant que les voitures roulent et défilent. Il y a bien une tension dans l'air. Quelque chose qui fait vibrer mon sixième sens, mais... - Oh... - Sous mes yeux, les choses se figent. Ce type s'immobilise avec son téléphone à la main. Cette femme, une pâtisserie entamée à moitié dans la bouche. Ce pigeon prend son envol depuis déjà une longue seconde quand tout à coup, ils disparaissent. Un sursaut, comme une cassette rayée. Et la vie reprend. - ... shit. - Haut dans le ciel, un avion vient de disparaitre et reprend sa route. - Shit!

Are you gonna move out of the road?! - Je tourne la tête vers le conducteur agacé. Ah oui, je me suis immobilisé au milieu de l'avenue, et déjà un officier de police s'approche. - Sir... - Ni une ni deux, je sors mon badge. - Officier. J'appartiens à UNIT. Nom de code: Professeur. Je veux que vous évacuiez cette zone et établissiez un périmètre autour de cette rue. De ce côté et de l'autre. Des soldats de UNIT vont arriver pour prendre le relais. - Qu'est-ce qui se passe? - Maintenant! Avant que quelqu'un n'y entre! - Et le voilà qui s'active, un main sur sa radio pour contacter ses collègues. J'aurais pu tomber sur un policier plus suspicieux. Heureusement, ce n'est pas le cas.

Et le temps de faire ça et de me rapprocher de la frontière de la rue, voilà tout ces gens qui disparaissent à nouveau. Un disque rayé. Une bande abîmée. Sept exactes minutes qui se répètent inlassablement dans cette exacte rue. Rien ne naturel n'est si précis. Un pas en avant. Spencer me hurlerait dessus s'il était-là. Et aussitôt à l'intérieur du périmètre, j'ai l'impression que mes poumons se compriment. Des particules d'Artron. Elles saturent l'air. Je peux sentir leur odeur.
Faisant fi de ce parfum, je m'avance alors parmi les passants. Les touristes. Inconscients et innocents. J'observe l'un des immeubles. Si j'en crois le plan que j'ai vu, les logements sont également inclus dans l'anomalie. À croire qu'il y avait une volonté de les pi... Demi-tour. Pas rapides. Une main se pose contre le mur d'air. - Fuck! - Plus qu'à trouver l'origine du problème. Je connais un soldat qui ne manquera pas de m'engueuler, plus tard... Si un plus tard existe encore.

How the hell are you new?.. - Je me retourne, avise mon vis à vis. Jeune homme d'à peu prêt ma taille, les cheveux châtains clair et les yeux bleus qui semblent avoir vu quelque chose d'anormal. Surprise. Urgence. Suspicion. Je fronce les sourcils en observant son visage. - How the hell do you know that? - Il ne devrait pas s'en rendre compte. Tout se répète, et il devrait suivre ce mouvement. Pourtant, ce n'est pas le cas. Je lève la main gauche. Une sphère verte y apparaît alors qu'un bruit sonique est émis. Le scan ne dure qu'une courte seconde et j'observe le petit écran sur le bracelet, à l'intérieur de mon poignet. Rien? Comment ça, rien?!

Un regard dans mon dos, j'avise la barrière. Un regard vers le ciel, l'avion poursuit sa route. Un regard vers ce jeune homme. Étrange jeune homme. Il reste encore une minute avant le prochain rebond.  - Depuis combien de temps est-ce que ça dure? - Je me préoccuperais du comment plus tard. L'urgence est de briser le cycle. - Est-ce que tu as remarqué quelqu'un ou quelque chose qui détone? En dehors de moi ou de la boucle? - Perdre du temps en le ménageant? Non. Le temps, il commence à manquer, et pas uniquement pour des raisons évidentes.

Une heure et demie. Pas de téléphone. Il n'a rien remarqué avant de sortir de chez lui... Est-ce que ça dure depuis plus longtemps que ça? Est-ce que le Tardis aurait tardé à détecter cette anomalie? Le cycle se répète. Les choses retrouvent leur place et recommencent. L'odeur prenante des particules me fait plisser le nez, là où je perçois chez lui un énième frisson. - Dites moi que vous savez comment sortir d'ici... - Pas encore.

Le contournant, je m'avance le long du trottoir. Dés cet instant, les autres personnes présentes sont pour moi des otages. Inutiles, mais tout de même à sauver. Des innocents passifs au sens strict du terme. La main à plat vers le sol, je scanne sous la route. Cherche à définir le périmètre. - L'anomalie englobe la rue et ses habitations. Elle monte jusqu'à hauteur de vol et s'enfonce sur trois cents mètres sous la terre. - Je me retourne vers lui. - Tout type d'émission ou réception réseau ou radio est bloqué, à cause de la désynchronisation temporelle. Impossible de contacter le monde extérieur. Impossible d'être contacté non plus. En revanche, nous pouvons communiquer à travers la barrière. Par signe ou écrits. - Mais avant qu'il réagisse, je le coupe déjà. - Inutile. Ces gens ne peuvent rien faire pour nous. Du renfort est déjà en route, mais ils ne pourront probablement rien faire de l'extérieur. Ils ont juste ordre d'éviter que de nouvelles personnes entrent.

Des gens m'observent bizarrement. Le coup du bracelet sonique avait déjà attiré l'attention, mais j'ai l'habitude. Je les ignore. De toute façon, dans quatre minutes et trente sept secondes, ils vont tout oublier. - Une désynchronisation temporelle avec cycle fermé de 7 minutes. D'une hauteur très exacte de 7 kilomètres sur une longueur d’exactement 700 mètres et une largeur de 70 mètres. - D'autres regards s'ajoutent. Ils disparaîtront bientôt. - Dans tout ça, tu sais ce qui me chiffonne le plus? - Je croise les bras. Me rapproche, comme si j'allais lui révéler un secret. - Frontière à sens unique. - Cool secret, hein? Théatralisme ou test? Tout dépendra du reste. - Une opinion sur la question?

À chaque mot qu'il prononce, sa tête se baisse de plus en plus. Et à la fin de sa tirade, ses yeux sont rivés sur le bout de ses chaussures, au point que je baisse moi-même les yeux pour vérifier qu'il ne se passe rien d'inquiétant au sol. Et puis il relève la tête. - Je sais pas si je suis clair... Dans ma tête c'est limpide, mais je suis pas sûr d'avoir les mots pour exprimer l'idée... - Très clair. - Dis-je simplement. - À part que toi et moi ne sommes pas immobiles. Nous ne sommes pas manipulés par la boucle. Et donc, nous n'en faisons pas parti. Elle se déroule autour de nous. - Je tourne à nouveau mon regard vers l'extrémité de la rue, à quelques mètres de là. Au-delà de la frontière, les véhicules noirs de UNIT arrivent enfin. - Et nous sommes tout de même coincés à l'intérieur.

Je reviens finalement au jeune homme. L'avise du regard. Un regard hésitant, surpris et... perplexe. - Ta théorie se tient, bizarrement. - Bizarre, oui, pour un humain lambda d'avoir sans hésitation ce genre de réflexion. Qui plus est, cohérente. - Pour autant, je doute que ce soit tout. - Et voilà que ça recommence. Et voilà que la rue se réinitialise, sept minutes avant. - Que c'est agaçant... - Immédiatement, mon bracelet sonique scanne les environs. J'attire encore le regard. Cette femme aux yeux de merlans fris qui me fixait déjà avant, et ne s'en souviendra jamais. - Est-ce que tu sais ce qu'est l'énergie Artron? - Lui demandé-je. Non? Normal. - C'est l'énergie temporelle. L'air dans cette rue en est saturé. Mais c'est une énergie que l'on ne trouve pas sur Terre. On la trouve nulle part, en fait. Ce qui nous laisse avec deux options: il s'agit bien d'une anomalie. Une fuite de vortex, mais sa dimension est étrangement précise; ou alors il s'agit d'un piège, construit avec exactitude, mais avec maladresse. Une machinerie qui laisserait s'échapper les particules. Peut-être ne s'en sont-ils même pas rendu compte. - Un soupir m'échappe. Un homme semble croire que je parle une autre langue. - Dans les deux cas, il y a une source. Il nous faut la trouver. Une idée d'où chercher? Tu habites ici, après tout. Cette rue et ses environs te sont familiers.

Un piège si grand? Oui. J'ai eu vu plus grand encore. Plus vaste et plus complexe. J'y suis tombé dedans, sans jamais rien voir. Alors une anomalie temporelle de cette taille n'est pas un piège si incroyable. Après tout, j'y suis dedans, non? Lui, y était déjà. Aurait-il pu être visé? - Y a comme... Un genre d'épicentre. Au milieu de la rue. Je saurais pas l'expliquer, je le sens... Sous terre. Une cave peut être ?.. Ou alors... - Je tourne la tête vers le milieu de la rue. Les quelques personnes qui passent. Une voiture à l'arrêt. Les bouches d'égouts et cette vibration régulière... Le mét - Eh ! On est pile entre Chalk Farm Station et Mornington Crescent. Le tunnel du métro passe là-dessous. - Ok, I'm getting slow. - Bien vu. Comment est-ce qu'on descend?

Bien vu jusqu'à la mise en pratique. Nous nous trouvons entre deux stations. Si nous voulons descendre, il faudra se montrer créatif. Ou simplement malin. Naturellement, ma mémoire se met en route et je visualise le plan des lieux que j'ai observé dans le Tardis, avant de venir. - Il y a un accès d'entretiens un peu plus loin. - Dis-je en me mettant en marche. Une vingtaine de mètres plus loin, un renfoncement se forme entre deux immeubles. Au fond, une porte en métal, recouvertes d'affiches en tout genre. Certaines déchirées, d'autres usées. Les seules propres et en bon état sont celles du dessus. Peu nombreuses. Tout en marchant, je tends la main et la sphère verte apparaît à nouveau. Du temps que je pose l'autre sur la poignée, le verrou de la serrure a déjà tourné. Et j'ouvre. Un air humide et imbibé d'une odeur de renfermé s'échappe en un souffle.

Le couloir cimenté s'enfonce rapidement dans le sol et je me tourne vers le jeune homme. - Tu m'as bien aidé, mais tu n'es pas obligé de venir si tu n'en as pas envie. Je ne te force à rien. UNIT va coordonner la quarantaine, ça protégera l'intérieur de la rue. Pendant ce temps, je vais descendre essayer de comprendre ce qui se passe pour l'arrêter. Tu peux rester ici, si tu préfères. On ne sait jamais. - Je n'aime pas mettre les civils en danger, et je ne sais pas ce que je vais trouver en bas. Peut-être rien. Ou alors peut-être quelque chose de particulièrement risqué. Dans tous les cas, je le laisse décider par lui-même et entre. La sphère holographique du sonique projette une lumière verte claire qui illumine le chemin jusqu'à deux mètres en avant, de quoi voir où je mets les pieds. Et au bout du couloir, un escalier.

Et rester ici à regarder la même scène se répéter jusqu'à ce que j'en devienne taré ? Non merci. Je viens avec vous. - Et le voilà qui passe devant, à la lumière de son téléphone. Unsafe, but love the energy. Les quelques marches de ciment mènent à une structure en métal. Un escalier de secours, qui descend droit. À chaque palier, la température de l'air se réchauffe. C'est fou comme il peut vite faire chaud dans ces galeries. Heureusement, le passage des rames de métro propulse l'air, ce qui prodigue un courant suffisant pour respirer. Le mauvais point ici c'est que cette section est fermée. L'air n'y circule pas, et donc, je commence à avoir chaud. J'aurais dû porter ma veste aérante.

Nos pas raisonnent. Ils font parler le métal usé et sale. Combien d'agent d'entretien est passé là avant nous? Combien de passagers évacués? Peu, je l'espère. Un pallier passe. Ma main se pose sur la rampe. Nous descendons encore. Les vibrations s'accroissent. Je les sentais lorsque nous étions dans la rue, mais plus nous nous rapprochons et plus je les sens. Permanentes. Stables et régulières. Une rame de métro ne fait que passer. Elle ne pourrait pas causer ça. Unless... - Attention! - Ma main attrape l'épaule du jeune homme et le tire en arrière, au point de le faire tomber. Il s'apprêtait à marcher dans le vide. Les deux marches suivantes ont disparu. Bouffées par la rouille et... le temps.

La récurrence embrouille tout. - Lâché-je en avisant le chemin à parcourir. Encore deux niveaux à descendre avant le sol. Un coup de scanner sur les marches manquantes et je regarde le petit écran. - L'escalier a une cinquantaine d'années. Ces deux marches ont... avaient trois cents cinquante ans. - Mes sourcils se froncent, bien malgré moi. J'aide le jeune à se relever. - Même dans le cas d'une anomalie naturelle, ce genre de problèmes ne se poserait pas. Quelqu'un a fait quelque chose. Et il l'a clairement fait à la sauvage. - Marches usées. Escalier fragilisé. Sauter est risqué, mais nous manquons d'option de toute façon.

Donc on a plus affaire à une simple boucle ? Le temps s'écoule anormalement à certains endroits précis. Trois-cent ans de décalage, c'est quand même pas rien... - Ce ne sont pas des zones où le temps s'écoule différemment. Ce sont les objets qui changent de période. - Clair? Non. Pas pour lui, peut-être. Moi, j'ai très bien compris.
Alors qu'il s'accroche à la rampe pour sauter jusqu'aux marches inférieurs, je m'applique à assurer la structure de métal. Un simple renfort télékinétique sous ses pas, à travers le métal, pour éviter que son poids ne s'appliquent de trop. Rien qu'il ne puisse déceler. Ce n'est pas quelque chose que j'aime montrer. Pas ici, en tout cas. Et je l'imite, m'assurant la même sécurité, avant de reprendre notre descente.

Vous dites que quelqu'un a fait quelque chose mais... On peut vraiment endommager le temps ? C'est pas censé être un genre de... Force immuable ? Je sais qu'on a découvert l'existence de vie extra-terrestre et tout mais ça... C'est un peu gros non ? - Un sourire passe sur mes lèvres. - Le temps peut-être abîmé, comme n'importe quoi d'autre. Et puis il guérit. Comme un organisme vivant. Seulement, parfois, il a besoin d'un peu d'aide pour combattre l'infection. - Un paradoxe n'est-il pas une mauvaise cicatrisation? Une faille, un plaie? Nous atteignons enfin la sécurité relative du béton et le jeune homme m'indique que la porte est verrouillée. Je règle ce problème d'un coup de sonique. - Imagine une rivière sans début ni fin. L'eau s'écoule inlassablement, sans obstacle. Sans remous. Et puis tu y plonges ta main. L'eau va être détournée, puis reprendre son cours, mais elle va aussi éclabousser. Ce sont ces éclaboussures le problème.

Passant devant lui, je pousse la porte avec force. Les gonds manquent de jeu. Ont-ils rouillé eux-aussi? Je fais un pas en arrière par réflexe, puis m'immobilise. - Oh. - Je m'attendais à trouver une voie déserte. C'est bien tout son contraire. - Ooh.. - Dis-je à nouveau, d'un ton moins engageant. Je lève encore une fois la main. Laisse la sphère verte apparaître alors que le sonique fait son bruit habituel. Je tourne à peine le poignet pour regarder l'écran, du coin de l’œil. Avec hésitation. - Shit. - Le métro parait flou. Il parait immobile, comme à l'arrêt, mais flou. La réalité, c'est qu'il n'est pas immobile. Il n'est pas à l'arrêt. Il est en train de rouler, sans pause ni délai. Le flou?. Les vibrations de son mouvement, rendues visibles par son immobilité apparente.

Voilà ce qui arrive quand un objet est pris dans les frontières de la boucle. Ce n'est pas comme les gens en haut qui vont et viennent. Ce métro n'a pas de début ni de fin. Il entre et sort des limites de la zone. Il passe, immobile, en mouvement. Coincé dans la même boucle de sept minutes. - Je lève la tête vers le plafond de ciment, sale et fissuré. - Mais pourquoi ici...

Le hasard n'existe pas... - Dis-je en faisant un pas en avant, distrait. L'univers est vaste. Infini. Multiple. Les autres également. Le hasard n'est rien de plus qu'une corde tirée par une chose qu'on ne voit pas. De fait, ce n'est pas du hasard. La raison nous est seulement inconnue... jusqu'à la connaitre. - De toutes les villes, et de tous les coins paumés... Pourquoi cette rue-là... - Un nouveau pas en avant. Je m'approche. L'air est en mouvement, un courant d'air permanent, agité par les vibrations incessantes. Un courant d'air frais qui fait du bien, mais vicié. Saturé en particules Artron. S'il y a une origine à ce phénomène, il se trouve-là. Je peux le sentir, littéralement.

Ok. Prochaine étape, monter à bord. - Je tourne la tête vers lui. - Oui, je sais, sauter à bord d'un métro en marche est impossible. - Enfin, c'est possible. C'est juste suicidaire. - Or is it... - Sourcils froncés, encore. Bras croisés, toujours. Mon regard balaie la rame de métro, puis se pose sur mon bracelet. - Ok. J'ai une idée, mais il va falloir agir vite. Et une fois à l'intérieur, encore plus vite. - Paume ouverte vers haut, la sphère verte réapparaît. Le son sonique se fait entendre, change de fréquence pour trouver les bons réglages pendant que je parle. - L'état d'instabilité dans lequel la rame est déjà nous donne une option. Je peux accélérer le rythme de saccade de façon à accroître cette instabilité. Jusqu'à rendre le métro intangible. On pourra alors sauter à l'intérieur. - Un nouveau regard vers lui. - Enfin, je pourrais sauter. Tu devrais rester là. Le simple fait d'être si proche est un risque en soit. Je n'aurais même pas dû te laisser venir. - Stupid Prof. Concentré sur l'anomalie, j'en ai presque oublié que ce jeune homme est un civil. Les mettre ainsi en danger est loin d'être dans mes habitudes. Et si mes calculs étaient faux, et que l'intangibilité ne se faisait pas? Pire, si elle s'annulait en plein saut?

Mon esprit pratique me dit que je serais trop mort pour m'en soucier. Ma compassion me dit que mourir n'est pas une excuse pour emporter quelqu'un d'autre dans la tombe avec moi. Mon sens du devoir me rappelle que quelque chose doit être fait avant que les dégâts ne deviennent irréversibles. Et le sonique trouve enfin la bonne fréquence. It's now or never. Lets hope never will not be too late. - Si le simple fait d'être si proche est dangereux, autant aller jusqu'au bout non ? Ça change pas grand chose au final, imaginez que je reste dehors et que je finisse comme les marches de l'escalier. Si vous êtes vraiment un spécialiste de ce genre de situation, je suis plus en sécurité avec vous. - Regard franc. Ton assuré. Réflexion, somme toute, cohérente. Il n'a pas les statistiques en tête, moi oui. Je sais qu'il a moins de chance de régresser au stade de bambin que de risques de finir en bouillie humaine... mais si c'est son choix. Il n'a pas peur. Ou en tout cas, ce n'est pas ce qui le pousse à me suivre. Peu importe ses mots. Une question de plus à ajouter à la liste.

Dans ce cas... - Je lui tends la main. - Nous devrons sauter en même temps. L'altération est directement liée à mon bracelet. Nous devons traverser en même temps que lui. - Un pas en avant encore. Nous sommes à une distance ridicule désormais. - Au compte de trois. - Le sonique hurle. Le contact du bracelet se fait de plus en plus chaud. - 1... 2... - ...3.

Un bond. Un bond vers une quasi certitude. Et un pourcentage quasi infime d'une mort immédiate, mais non. Mes pieds atteignent le sol. Les vibrations remontent le long de mes jambes. - Hmm... Tingly. - Pas vraiment agréable, mais il faudra faire avec. Je préfère ces vibrations à la mort. Ou la chaleur à mon poignet.

L'intérieur est aussi flou et vibrant que l'extérieur, de quoi filer la nausée. Les passages sont tous piégés dans la même boucle ultra rapides, comme immobiles et en mouvement à la fois. Rien de bon pour l'organisme. - Vous avez une idée de ce qu'on cherche exactement ? Ça ira plus vite si on est deux à chercher... - Pas du tout, mais il faut le trouver vite. Ces gens ne survivrons pas une éternité dans cet état d'instabilité. - Je ne l'avais pas réalisé avant. Pourquoi? Parce que je pensais qu'ils seraient comme ceux dans la rue. Ceux-là ont plus de temps devant eux.

Dans un soupir, je lève à nouveau la main. À une telle proximité de l'origine des événements, le sonic devrait détecter un pic d'énergie. Et lorsque la sphère verte apparaît... - Shit! - Étincelles. Fumée. Chaleur intense et je jette le bracelet au sol dans un sursaut. Mon poignet est barré d'une marque rouge. Une brûlure au premier degré. - Great. - Je lève la tête vers l'humain. - Il n'a pas dû apprécier notre petit bond. - Malheureusement, ça suggère une chose: impossible de ressortir désormais. De toute façon, je ne comptais pas partir sans avoir trouver comment libérer ces personnes, donc ça ne change pas grand chose.

Ok. Lets focus. - Pas de Tardis. Pas de sonic. Heureusement que j'ai un cerveau. - Le déclencheur ne peut pas être une personne, sinon elle serait libre de ses mouvements. - Un regard vers lui. - Et ce n'est pas toi, puisque je t'ai déjà scanné. - L'imitant, je me dirige vers l'autre extrémité de la rame. - Si on écarte la théorie d'une origine naturelle, on cherche donc un objet ou une machine. En toute logique, il devrait être stable. Contrairement à tout le reste qui est flou à cause des vibrations. - Ma main se pose machinalement sur l'une des barres de soutiens et je la retire immédiatement. Réflexe. - That's about to be a fun ride...

Le contact de toute chose dans ce caisson impossible est désagréable. La densité de la matière n'a aucune incidence. Le métal est aussi inconfortable que le tissu. Alors lorsque je plonge ma main dans une poche, j'ai tout autant envie de frapper quelque chose que lorsque je touche un téléphone ou un carnet. Cette sensation m'est difficile à contenir. L'impression que quelque chose grouille sous ma peau. La vibration qui s'y engouffrerait. Malgré tout, je prend sur moi. Poche après poche. Sac après sac. Je n'ai pas de gêne à m’immiscer ainsi. La situation l'exige de tout façon. J'en viens même à inspecter un sac à dos, plus gros bagages de mon côté du métro. La condensation d'une petite bouteille d'eau fraîche a commencé à entamer les pages innocentes d'un livre. Il y a un vieux paquet de biscuits au fond, ouvert, écrasé, et des miettes un peu partout. Et un chargeur de téléphone, noué et renoué. Un dossier relié est ce qui prend le plus de place, probablement quelque chose d'important. Et dans la petite poche, entre un paquet entamé de mouchoirs, quelques pièces de monnaies et une plaque de doliprane, une boite de préservatif grande taille. - Good for you. - Commenté-je entre mes dents en levant la tête. - Hey ! Je crois que j'ai trouvé.

Me détournant de la jeune femme au sac à dos, je pose les yeux sur la valise que le jeune homme tire au milieu du passage. Comment peut-il savoir si c'est ça, s'il ne l'a pas encore ouverte? Me rapprochant, j'observe les quelques vêtements soigneusement pliés qu'il dégage et remarque en même temps que lui cette forme arrondi. Une sphère cuivrée, de la taille d'une balle de tennis. Elle est constituée de plusieurs anneaux et parcourue d'une multitude de symboles logographiques. Je reconnais l'alphabet utilisé. De là à me souvenir de quelle civilisation il provient... - Maybe I shouldn't touch it, right?.. - Better not. - Dis-je en me saisissant de la sphère. - It could kill you.

La sphère parait d'une netteté absolument incroyable, en comparaison au reste de notre environnement. Et à son contact, je sens comme un courant d'énergie remonter le long de mes doigts pour y mourir. - Hmm... Est-ce que tu savais que la civilisation Maya avait accès à de la technologie temporelle? - Dis-je en scrutant l'objet avant de poser mon regard sur lui. - Moi non plus. - Et pourtant, ces symboles sont bien Mayas. Si j'avais eu mon sonique, j'aurais pu dater la sphère. Peut-être. Mais il faudra faire sans.

À y regarder de plus prêt, je réalise que les anneaux qui la constitue sont amovibles. On peut les faire coulisser à l'horizontale, et ainsi déplacer les symboles. Et à chaque sommets de la sphère, une croix, dont une des branches est affublée d'un point à sa pointe. - Une énigme? J'adore les énigmes. - Sans même y réfléchir, j'utilise ma télékinésie pour faire flotter la sphère entre nous deux. La faire pivoter en continue pour qu'il puisse voir, lui aussi, les quatre mêmes symboles qui se répètent, dans le désordre, sur chaque anneaux. - Ce sont les symboles Mayas pour les couleurs. Rouge. Noir. Blanc et Jaune.

Is it supposed to do that?.. - Je lève la tête vers lui, puis revient à la sphère. Je ne m'en étais même pas rendu compte. - No, but it's ok. Don't worry about it. - Et le voilà qui part dans une théorie liée aux couleurs primaires. Et je l'écoute, attentif, sans pour autant quitter la sphère des yeux. Elle pivote avec lenteur, accompagnant mon regard qui en scrute chaque centimètre. - Bonne idée. - Dis-je lorsqu'il a terminé. - Mais effectivement, lacunaire. - Les couleurs manquantes semblent impossibles à rajouter. Les anneaux coulissent, mais ne se superposent pas, et rien ne semble pouvoir faire apparaître d'autres panneaux circulaires. Je presse les symboles, les croix, cherchant un bouton quelconque, mais sans succès. Et puis je reviens sur cette branche de l'une des croix, et ce point à sa pointe... - Xaman.

Saisissant la sphère, je relève la tête. - Le Nord. C'est une boussole. - De quelques gestes agiles, je fais pivoter les anneaux. - Le point indique le nord. Les couleurs... Les Mayas associaient une couleur aux points cardinaux. Blanc pour le Nord, peut-être la neige ou le pôle? Jaune pour le Sud, la chaleur, je suppose. Rouge pour l'Est, là où le soleil se lève. Noir pour Ouest, là où il meurt. Alors si j’aligne les couleurs à leur point cardinal... - Un clic se fait entendre. Les croix et les symboles s'illuminent. Dans le creux de ma main, la sphère se met à vibrer et les anneaux coulissent sur eux mêmes. Ils tournent et pivotent, révèlent une source lumineuse à l’intérieur. Et lorsqu'ils s'immobilisent, la moitié haute de la sphère a disparu pour nous offrir son cœur: un enchevêtrement de rouages en mouvement et de circuits à diodes lumineuses. Et au milieu, une seconde sphère, origine de la lumière blanche qui irradie.

Un générateur de nœuds de Corvic'tar. Je n'en ai pas vu depuis des années! - Lâché-je en réalisant ce que j'ai en main. Un sourire se pend même à mes lèvres. - Corvic-tar est un technicien de génie. Il n'a pas inventé grand chose dans sa vie, mais il avait un talent particulier pour recycler de la technologie entre autre chose. Peu importe quel type de technologie. - Du bout de l'index, j'écarte quelques câbles et avise de la situation. - Malgré tout, il a réussi à inventer ce système. Une idée pour lui permettre d'avoir plus de temps et finaliser tous ses projets, et qui à l'évidence s'est transformé en quelque chose de moins... innocent.

Une soudure pété. Un câble défait. Une trace de brûlure. Un peu de fluide au fond de la sphère. - Je ne sais pas qui à remis celui-ci en état, mais il a fait un vrai travail d'amateur. Pas étonnant que ce truc se soit déclenché n'importe quand. - Sans sonic, le réparer va être compliqué, mais un peu de travail manuel ne me tuera pas. - Est-ce que tu peux m'amener mon bracelet? Je peux utiliser certains de ses éléments pour retaper le générateur. Avec un peu de chance, je pourrais le désactiver une fois réparé.

Quelques secondes suffisent à ce que le jeune homme rapporte le bracelet sonique. - Thank you - Dis-je avant de le saisir de mon autre main. Et puis je regarde la sphère, et puis le bracelet, et puis les mains vides de l'humain. Non, il ne supporterait pas le contact de ce truc. Tant pis. La télékinésie à nouveau mise à l'oeuvre, je laisse la sphère léviter devant moi pendant que j'utilise mes mains, et mes dents, pour désosser le bracelet. - Et si vous le désactivez, ça va pas poser problème qu'on soit dans un métro en mouvement ? Avec l'inertie, tout ça, j'ai pas envie de me péter un bras en m'écrasant au fond de la rame...

Un regard sur lui, un autre sur la rame en constante vibration. - Good point. We'll have to hang on, I guess. - Un cache révèle une série de micro-circuits et je m'applique à en détacher un avec délicatesse. - Ce n'est pas parce que le métro parait immobile qu'il est en train de se charger d'énergie cinétique comme une petite voiture à ressort. Il reprendra sa route à sa vitesse de croisière au moment où la machine sera désactivée. Sauter nous soustrairais à son mouvement, et donc on se prendrait le fond. Alors que si on s'accroche aux barres, ça devrait aller. - Une étincelle me brûle le bout du doigts. - On va juste passer de 0 à 100Km/h en moins d'une seconde. - Je retire enfin le circuit imprimé et lève la tête vers lui. - J'espère que tu aimes bien les sensations fortes, parce que tu t'es coincé dans la plus vive des attractions.

De gestes tout aussi délicats, je retire le circuit abîmé de la sphère et le remplace par le mien. Il me suffit alors d'utiliser un petit fil, dénudé avec les dents, pour faire la connexion entre deux points de soudure. Et reconnecter les trois câbles détachés. Le dernier, toujours à l'air libre, n'attend que de jouer son rôle. - Ok. Accroche-toi à ce que tu peux et aussi fort que tu le peux. Lorsque ce fil entrera en contact avec la source d'énergie, le générateur va se réinitialiser. La zone en boucle va reprendre son déroulement normal et le métro va repartir. Une fois le jet initial passé, ça devrait aller. - Je fourre le bracelet pillé dans ma poche et m'accroche moi-même à l'une des barres alors que la sphère flotte toujours paisiblement dans le vide. J'attends que lui aussi soit paré. - À 3, 2... 1... - Mon esprit met le fil en contact avec la sphère de lumière et un flash doré envahit la rame.

La vitesse est brusque, le temps aussi implacable que les torrents d'une rivière. Je sens mon épaule souffrir du choc et mon souffle se couper l'espace de quelques secondes. Avant que mes sens ne retrouvent un semblant de normalité et que les voix surprises des passagers ne viennent jusqu'à mes oreilles. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à être aussi désorienté. Un coup à passer pour ivre.