La suite des événement s'enchaîna rapidement. Les téléphones braqués sur eux, l'homme se mettant à fouiller frénétiquement sa valise à la recherche de l'objet qu'ils avaient déjà récupéré et désamorcé... Puis vint la tentative d'interpellation de la part de celui qui était définitivement un membre de UNIT - le badge était là pour le prouver - et les choses s'accélérèrent encore.

Adam fit une note mentale des revendications avancées par l'ancien détenteur du générateur de nœuds. "Ils", "vous n'avez rien arrêté", "Shyyyo"...

L'homme dépendait donc visiblement de quelqu'un d'autre. Une organisation ? Qui travaillait dans un but précis ? Mais quoi ? Aucune réponse ne fut apportée à ces questions. Dans un mouvement précipité, l'homme saisit un objet autour de son coup, et en moins de temps qu'il n'en fallait pour dire "téléporteur", il avait disparu. Et son cerveau à lui continuait de bouillonner, sous l'afflux d'informations, de l'adrénaline et du flot de question qui se bousculaient sous son crâne. Il s'était retrouvé malgré lui embarqué dans toute cette histoire, mais curieusement, il n'en regrettait rien. Tous ces rebondissements le stimulaient, et il se sentait vivre plus que jamais auparavant. Il acquiesça d'un simple signe de tête quand il lui fut demandé s'il allait bien, attendant que l'autre homme ai fini de manager toute la situation pour mieux pouvoir lui répondre.

Ce fut encore l'affaire d'un coup de téléphone, d'une annonce aux passagers de la rame une fois le métro arrêté, suivi d'une attente de quelques minutes jusqu'à ce que le reste des équipes de UNIT les rejoignent et d'un bref échange entre les membres de l'organisation avant qu'enfin il n'ai à nouveau l'opportunité de discuter avec celui qui l'avait accompagné jusque là.

- Est-ce que tu es sûr que tout va bien? C'est terminé, si jamais tu te demandais. Ta rue est libérée de la boucle.

Il hocha à nouveau la tête, avant de répondre plus amplement.

- Ca va oui, très bien même. Et ouais, j'avais cru comprendre, je me sens mieux depuis que vous avez réparé le machin de Corvic'Tar.

Un pause, le temps de rassembler ses idées et de prioriser les question qui se bousculaient dans son esprit. Commencer par le moins indiscret lui sembla être le choix le plus judicieux.

- Va pas falloir que je sois ausculté aussi ? Ca concerne que les gens qui étaient vraiment figés dans la rame ?.. Et cette histoire de Shyyyo, ça confirme votre hypothèse que la boucle relevait pas d'un accident... Donc probablement une attaque viser... Va falloir que je signe un accord de non-divulgation des informations sensibles ou un truc du genre ?..

Après tout, ce genre d'affaires était normalement classées top secrètes non ? Il ignorait totalement les procédures à suivre dans ce genre de situation...

Pas de risques, pas d'examen, pas de paperasse pour le moment. Ca l'arrangeait. Pas qu'il ai spécialement peur des aiguilles ou de la procédure médicale à suivre dans ce genre de situation, quelle qu'elle soit. Mais s'il pouvait éviter d'avoir à patienter pour qu'on lui confirme qu'il n'avait effectivement rien ou à passer une heure à éplucher les lignes minuscules d'un accord de non-divulgation d'informations sensibles, ce n'était pas plus mal.

- L'attaque... Ceci était un accident. C'était supposé être un attentat, à l'évidence, mais il a échoué avant même qu'on ne soit impliqué. Ta rue n'était pas la cible.

Il fronça légèrement les sourcils, jetant un regard en biais à la sphère désormais inoffensive. Lorsqu'il répondit, ce fut d'un ton relativement bas, conscient qu'il vallait mieux ne pas être entendu par une oreille indiscrète, ce qui ne manquerait pas de générer une panique qu'ils avaient évité jusque là.

- Un attentat ? Contre quoi ou qui ? Et à coup de... technologie temporelle, c'est un peu gros non ?

L'explication sur l'origine du nom Shyyyo vint alimenter sa réflexion, et il prit une poignée de secondes pour réfléchir, passant ses doigts dans les boucles de ses cheveux d'un air absent.

- Peut-être que la cible est perçue comme une menace par... Ceux qui ont commandité tout ça ? Dans ce cas, ce serait pas si illogique de se réclamer agir de la part d'un gardien. C'est même assez classique dans ce genre de situation, de se réclamer être au service d'une puissance supérieure et bienfaitrice, non ?

L'approche d'un soldat de UNIT équipé d'une mallette de transport mis fin à sa tirade, et il observait la sphère rejoindre l'intérieur de celle-ci, à l'abris, jusqu'à ce qu'elle rejoigne les locaux de UNIT, probablement pour y être observée plus en détail. Il nota au passage le nom utilisé par l'autre homme, qui semblait avoir un certain grade au sein de l'organisation, au vu de la réaction du porteur de mallette... Le Professeur. Nom de code ?.. Vraisemblablement. Et il semblait tenir à se faire appeler par celui-ci plutôt qu'un quelconque autre prénom, puisqu'il se présenta ensuite en utilisant le même titre.

- Adam.

Il tendit donc la main vers ledit Professeur, comme pour officialiser leurs présentations respective.

- Vous croyez que "anomalie temporelle", c'est une excuse recevable pour être absent à son taf ? Parce que j'ai jamais été aussi en retard... Ils distribuent des billets d'excuse pour ce genre de situation vos collègues ?

Un autre temps de réflexion laissa un blanc s'installer brièvement, avant qu'il ne se décide finalement à poser une question qui le travaillait depuis maintenant un moment.

- Et... Est-ce que vous avez une idée de pourquoi j'étais pas coincé dans la boucle comme tout le monde ?..

Trop aimable. Il avait bien conscience qu'UNIT avait sans doute mieux à faire que de distribuer des billets de retard à chaque problème qu'ils résolvaient et qui impliquait des civils. Mais au vu de la multiplication de ces phénomènes divers et variés ces dernières années, il allait falloir qu'ils finissent par trouver un système pour pallier ce genre de problèmes. Il doutait être le seul à avoir jamais été affecté dans sa vie professionnelle par un imprévu de type paranormal.

Quant à sa question sur le pourquoi de son immunité à la boucle temporelle...

- Non. Aucune. Et lorsque je t'ai trouvé, mon scan n'a pas révélé la moindre anomalie. Tu es jeune humain en parfaite santé, mais je devrais pouvoir récupérer les données une fois que j'aurais réparé mon bracelet. Si je découvre quelque chose, je te préviendrais.

Au moins était-il en parfaite santé, ce qui n'était pas forcément une évidence au vu de son régime alimentaire constitué majoritairement de pâtes et de riz en fin de moi. Il acquiesça néanmoins à l'idée que le Professeur le prévienne s'il trouvait quoi que ce soit d'autre.

Ils se mirent finalement en marche vers la surface, abandonnant la chaleur métallique des tunnels du métro londonien au profit de l'air froid de l'hiver britannique, un peu en avance sur le calendrier. Une voiture fut rapidement trouvée pour l'escorter jusqu'à son café -privilège que lui avait visiblement obtenu le Professeur- et arriva l'heure de retourner à la banalité de la confection de boissons chaudes pour les passants avides d'ingurgiter leur dose quotidienne de caféine. La portière ouvert, il se retourna vers le Professeur, lui adressant un sourire de remerciement.

- Eh ben... Merci pour le sauvetage j'imagine, c'était un plaisir de ne pas rester coincé éternellement là-dedans. See you around.

Un signe de tête pour appuyer sa gratitude, il s'engouffra dans la voiture.

La trajet qui suivi lui parut d'un calme déboussolant après les péripéties qui avaient constitué son début de mâtinée, et une sensation de vide s'installa rapidement dans sa cage thoracique alors qu'ils remontaient les rues de Camden. Le traffic était fluide, et il parvinrent rapidement à l'adresse où se trouvait le petit coffee shop qui l'employait. Il remercia son chauffeur d'un simple "Thanks." en descendant du véhicule, trottinant sur les quelques mètres restants pour franchir l'entrée de l'établissement.

- Hey, sorry I'm late, I got caught up in something and couldn't make it on time

Il défit son écharpe, commençant à se diriger vers l'arrière pour aller y enfiler son tablier, lorsque la réponse de sa collègue déjà en poste lui fit froncer les sourcils.

- No worries! Un ami à toi nous à prévenu hier, on s'est arrangé pour te remplacer.

Énième question à rajouter à une liste qui ne cessait de s'allonger. Mais il préféra ne pas s'attarder dessus... "je te conseille de rester discret sur la raison de ton retard". C'est bien ce qu'il avait l'intention de faire. Pour les réponses, il verrait plus tard.

Le reste de la journée se déroula sans accroche aucune, et dans un ennui complet. Il ne fut réceptif à aucune discussion que ses collègues aient pu tenter de démarrer, se contentant de préparer expressos, mockas et autres cappuccinos à la chaine, les événements du début de journée tourbillonnant sans cesse dans son esprit. Son shift lui sembla durer une éternité, et lorsqu'il put enfin quitter son poste et rentrer chez-lui, il était épuisé.

Sa rue avait retrouvé son calme habituel, loin de l'anomalie qui l'avait secouée quelques heures plutôt. Il resta un moment au bout du trottoir à contempler le mouvement de la circulation et des piétons, libre de toute boucle, avant de se décider à sortir ses clés, déverrouiller la porte d'entrée, et grimper jusqu'au dernier étage pour aller dans son appartement, s'écraser avec un soupir sur son canapé-lit, resté déplié depuis le matin faute de motivation à ranger couette et oreillers. La faim finit néanmoins par le faire se relever, et il se dirigea vers la kitchenettes pour se confectionner un repas à base de restes, consommé devant l'ordinateur, à parcourir les maigres informations qu'il pu trouver au sujet d'UNIT ou de quelconques anomalies temporelles. Pas grand chose, et pas vraiment étonnant. Il s'était douté que ce genre de donnés n'étaient pas facilement accessible. Ca n'en restait pas moins décevant.

Débarrassage, vaisselle, un coup de rangement... Il regagna son lit. Les recherches avaient été abandonnées, Wikipedia visiblement peu enclin à lui donner la moindre réponse satisfaisante. C'était probablement mieux comme ça, il était exténué de toutes façons, des heures de lecture n'auraient certainement rien arrangé. Et il lui fallu encore une bonne demie-heure à trouver le sommeil malgré la fatigue.

Sa nuit se résuma à des rêves informes, à base de pendules brisées et de journées qui n'en finissaient pas, bloqué indéfiniment qu'il était dans une parodie du jour de la marmotte. Il rêva aussi de ses parents, de la maison familiale qu'il avait décidé de quitter, quand il avait commencé à se trouver en échec vis-à-vis de ses études... Victime d'un ennui constant qui l'empêchait de travailler correctement. Il rêva qu'il avait réussi à s'accrocher, réussi à finalement obtenir un diplôme d'ingénieur, réussi à ne pas foutre en l'air licence et master, et qu'il pouvait désormais voyager, les finances au beau fixe, sans avoir à se soucier de comment il payerait son prochain loyer...

Le songe fut interrompu par des coups frappés à sa porte. Il ouvrit un œil en  grognant, avec la certitude de n'avoir dormi qu'une heure ou deux. Les rayons de soleil filtrant à travers les volets encore baissés vinrent contredire cette impression. Nouveau coup contre le panneau de bois, et il se redressa avec un soupir, tâchant de se désempêtrer de la couette, à demi enroulée autour d'une de ses jambes.

- Une minute, j'arrive...

Il s'extirpa du lit, enfila un t-shirt propre et un jogging informe, avant de faire un aller-retour express dans la salle de bain, pour vérifier qu'il avait une tête plus présentable que ce qu'il pensait. Le miroir lui retourna un visage encore marqué par le sommeil, et dont une joue était barré du pli du draps. Nouveau soupir. Tant pis pour les apparences.

Il mit un semblant d'ordre dans ses cheveux et retourna dans la pièce principale. Après les aventures de la veille, il aurait préféré passer son jour de repos à effectivement se reposer, plutôt que d'accueillir quiconque avait décidé de venir frapper à sa porte à l'aube en étant à peine réveillé. Ses doigts actionnèrent néanmoins le verrous, avant de se refermer sur la poignée pour faire jouer la clenche, et faire pivoter le panneau de bois.

- C'est pour quoi ?

Le Professeur. A nouveau. Il s'attendait à le revoir, peut être, mais pas si tôt.

- Tu aurais pu vivre plus bas. Ces escaliers m'ont tué.

L'employé de UNIT se faufila à l'intérieur sans qu'il puisse y faire grand chose, encore trop endormi pour avoir un temps de réaction décent...

- Well good morning to you too... And make yourself at home since you asked...

Il referma la porte d'entrée, se dirigeant immédiatement ensuite vers la cuisine pour faire couler du café. Il ne vivait peut être pas dans un palace, mais la machine à expresso, elle, était de bonne facture. Désavantage de travailler dans un coffee shop, on développait un palais plus critique concernant la boisson. L'appareil se mit en marche avec un bourdonnement sourd, alors que le Professeur pointait sur lui une sphère qui s'illumina.

- Est-ce que tu sais l'heure qu'il est? Non, sérieusement. J'ai besoin de savoir l'heure pour analyser mes relevés.

Son regard se tourna vers l'horloge du micro-onde.

- 8:27... AM. On my day off. Where I usually try to lie-in to recover from the rest of the week. Are you scanning me again?..

Il plissa ses yeux, déjà bouffis de sommeil en observant l'autre homme agir plus ou moins frénétiquement.

- What is this about?..

La machine cessa de vrombir, laissant son mug rempli de liquide sombre et fumant. Il attrapa deux sucres dans un des placards, les laissa tomber au fond de la tasse avant de mélanger le tout en d'en tirer quelque gorgée. Son cerveau reconnu immédiatement le goût de la caféine, et le mode lui paru déjà plus brillant.

- Désolé, ça ne pouvait pas attendre. J'ai réussi à récupérer les données de mon bracelet et j'ai relevé une concentration trop importante de particule Artron dans ton organisme, pour un être humain. Je t'ai dis hier que je reviendrais si je trouvais quelque chose. Alors me voilà. Et comme ce n'est pas vraiment normal... C'était bien hier, right?

Il écouta le monologue du professeur, le nez caché à l'intérieur du mug, continuant de siroter son contenu en essayant de faire sens de propos qui lui était envoyé à grande vitesse. Particule Artrons. Énergie temporelle s'il se souvenait bien ? En quantité anormalement élevée dans son organisme ?.. Ses sourcils se froncèrent, il abaissa la tasse pour répondre.

- Oui, hier. Comment ça trop importante ? Y a un risque lié à ça ?

Il sentait déjà son rythme cardiaque s'accélérer, pas assez pour être désagréable, suffisamment pour qu'il le remarque. On était encore bien loin d'une quelconque forme de panique, mais ça ne l'empêchait pas de sentir son niveau de stress monter d'un cran. La suite des questions n'aida pas vraiment à arranger les choses.

- Non, j'ai jamais rien vu d'autre de ce genre, enfin...

Il y avait bien toute ces fois où il avait senti que quelque chose hors du commun était e train de se produire, mais il s'était toujours arrangé pour s'éloigner de l'origine de ce sentiment et ainsi de ne pas se retrouver physiquement investi dans quelque phénomène que ce soit.

- ...non. Jamais.

Pas de visions, ni d'hallucinations, des rêves, oui, peut-être, mais le psy qu'il avait vu étant gamin avait lié ça à son adoption, et l'abandon qui l'avait précédé, même s'il était alors trop jeune pour s'en souvenir consciemment. Pensées suicidaire, pas depuis le collège, et il ne s'attarda même pas sur les deux dernières questions.

- Look, I don't understand what this is about.

Il se sentait tendu à présent, et eu la nette impression que le col de son t-shirt l'étranglait, avant de réaliser que c'était bien le cas, le vêtement à l'envers, sa forme ne suivait pas correctement la ligne de son cou. Il posa sa tasse, rentrant ses bras à l'intérieur des manches pour remettre le t-shirt dans le bon sens sans avoir besoin de le retirer.

- Do you care to explain?

Vortex temporel. Sur Terre. Humain.

Sa main se referma sur la tasse de café, et il en avala une bonne moitié. Besoin de se sortir du brouillard, de réveiller son cerveau et d'additionner les données. Plus le prof parlait, plus les éléments venaient s'accumuler, menant sa réflexion dans une direction bien spécifique.

- Tu as pausé tout à l'heure. Pourquoi as-tu hésité?

Quelque pas dans la cuisine, pour se donner le temps de réfléchir, de savoir s'il devait faire confiance à cet homme qui était après tout un parfait inconnu. Il rangea encore quelques affaires qui traînaient, machinalement. Récupécupéra l'éponge au fond de l'évier pour la poser sur le bord de celui-ci, avant de se tourner à nouveau vers le professeur.

- Je vous ai dit hier que je sentais l'épicentre de l'anomalie... C'est pas la première fois que ça m'arrive. Enfin, plus ou moins. C'est... C'est compliqué. Des fois je... Ressens des trucs que je peux pas expliquer. J'ai l'impression que quelque chose cloche, sans être vraiment capable de dire quoi. Mais c'est la première fois que je me retrouve vraiment... proche, enfin au cœur du truc qui me dérange. D'habitude je me contente d'ignorer la sensation jusqu'à ce qu'elle passe.

Pourquoi exactement, il n'en avait aucune idée. Ce n'était pas comme s'il avait peur, il avait constaté la veille en s'investissant dans cette affaire de boucle temporelle. Il s'agissait plutôt d'un instinct, quelque chose d'extérieur à sa volonté propre, un genre de petite voix qui le sommait de rester à l'écart. Cette fois-ci, il n'avait pas eu le choix, il s'était trouvé au milieu de la source de cette impression, il n'avait pas pu suivre cet instinct de survie parasitaire...

Énième gorgée de café. Il commençait à se sentir parfaitement réveillé, et c'est un regard bien moins engourdi qu'il tourna à nouveau vers son hôte.

- And you...

Un instant d'hésitation, tâcher de trouver une formulation qui ne soit pas trop abrupte. Difficile. Autant arracher le sparadrap d'un coup...

- ... You're an alien aren't you?

Fascinant. Pas forcément le mot qu'il aurait employé lui-même, il se sentait plutôt largué. Mais il comprenait que pour quelqu'un d'autre, quelqu'un qui de plus s'intéressait à de tels phénomènes, le mot soit le plus approprié. Quand à savoir comment il avait deviné pour la nature du professeur...

- Nan, je l'ai déduit. Les connaissances que vous avez, l'expérience... la manière dont vous parlez de la Terre comme si vous étiez déjà allé ailleurs, et la distance que vous placez entre les humains et vous quand vous en parlez... C'est subtil, mais en mettant les indices bout-à-bout... Statistiquement, j'aurais pu me planter, mais je viens de vous dire que j'étais à moitié médium ou je sais pas quoi, alors tant qu'à passé pour un taré, autant aller jusqu'au bout. Mais je préfère quand même avoir eu raison.

Un haussement d'épaule, comme pour ponctuer sa tirade. Il revint vers la machine à café, faisant couler une deuxième tasse, pour le Professeur cette fois, pas tellement pour procéder l'information ce coup-ci, juste parce qu'il n'était pas vraiment sûr de comment il devait se sentir à ce sujet.

- I don't really know to be honest. I didn't think I'd meet a proper alien someday. I know that you exist, for sure, but it's all... It's all in theory. It's just news you see on the telly, it'd never happen to you in real life. But then, there you are. And I guess... I guess it's alright. I'm okay with that. It's not like my week wasn't already weird with the temporal anomaly and all. So... Yeah.

La machine s'arrêta de vrombir, terminant de remplir le mug, et il attrapa la poignée de celui-ci d'une main, vidant de l'autre le réservoir rempli de marc humide, avant de la tendre à son invité.

- Sugar?

Surveiller son état... Il avait bien compris que son "don" était une rareté chez l'espèce humaine. Principalement parce qu'il n'avait jamais rencontré personne d'autre qui soit comme lui, même si jusqu'à la veille, ce pouvoir qu'il avait était abstrait, puisqu'il ignorait à quoi exactement est-ce qu'il pouvait correspondre. Mais il en prenait de plus en plus conscience maintenant qu'il avait quelqu'un en face de lui pour souligner l'originalité de cette faculté...

- Je tiens pas à me transformer en sujet d'étude... Mais si vous pouvez m'apporter quelques réponses, je crache pas dessus...

Après tout lui-même ignorait le pourquoi de sa différence, et jusqu'à présent, le Professeur avait eu l'air d'avoir un certain nombre de réponses, alors pourquoi ne pas continuer à creuser... Quant au questions qu'il avait tout de suite...

- C'est votre véritable apparence du coup ? Ou vous vous camouflez sous des airs d'humain pour éviter d'attirer l'attention ? Et quand vous dites surveiller mon état, vous entendez quoi exactement ?

Son café étant terminé, il était maintenant tout à fait réveillé, et il s'activa à rassembler de quoi grignoter un peu. Puisqu'il doutait pouvoir retourner dormir de sitôt, autant continuer à se préparer...

- Et pour l'instinct vis-à-vis de vous... Pas grand chose à vrai dire. pourquoi, vous venez du futur en plus du reste?

- C'est mon vrai visage, oui. Et je veux dire t'observer. Te soumettre quelques tests non invasifs. Simplement... des mises en situations, ce genre de choses.

Des mises en situation... Donc revivre le genre d'aventure qu'ils avaient eu la veille ? Curieusement, il n'était pas contre l'idée... Toujours mieux que de rester coincé derrière un comptoir à servir café sur café, quel que soit son amour personnel pour la boisson.

- Oh et vu votre période d'émergence, je viendrais plutôt du passé, mais peu importe. Étrange que tu puisses sentir l'épicentre de l'anomalie, mais rien venant de moi. C'est tout.

Il plaisantait à moitié quand il avait posé la question, une part de lui espérant, l'autre tentant d'être plus rationnelle. Mais au vu de la réponse...
De longues secondes s'écoulèrent le temps qu'il traite l'information et réalise le tenants et les aboutissants de celle-ci. Quand il repris enfin la parole, sa voix craque légèrement, montant dans les aigus alors qu'il réalisait les possibilités.

- ...vous voyagez dans le temps ?.. Sérieux ?!

- I'm going to need a whole lot more of coffee...

En y réfléchissant, c'était logique. Tout le discours autour de la technologie temporelle, le coup de téléphone mystérieux qui avait averti son boss de son retard avant même qu'il ne sache lui-même qu'il ne serait pas à l'heure...
Voyager dans le temps... Les possibilités étaient...
Il n'eut cependant pas beaucoup plus de temps pour y réfléchir, le Professeur s'était approché de la fenêtre pour en relever le volet, et le temps de jeter un œil dans la rue, il s'était précipité vers l'extérieur de l'appartement. Adam resta une seconde immobile, la main arrêtée au dessus de sa tasse qu'il s'apprêtait à re-remplir, avant de réaliser que son hôte venait de sortir en trombe.

- Hey !

Il franchit la porte d'entrée en deux grandes enjambées, se penchant par dessus la rampe de la cage d'escalier pour regarder le Professeur dégringoler les marches à vive allure.

- Where are you... Oh come on!

Hors de portée de voix.

Demi-tour, vers l'intérieur de l'appartement. Chaussures. Non... Pour enfiler les chaussures il lui fallait d'abord des chaussettes. Son regard se posa une demie seconde sur la pile de linge à ranger qui encombrait sa chaise de bureau. Pas le temps de fouiller.
Il se contenta d'attraper les clés de son appartement et d'à son tour dévaler les marches, après avoir claqué la porte derrière lui. Il failli en rater une ou deux, se rattrapant à la rampe au dernier moment, mais rejoignit le rez-de-chaussée en un temps record. Il lui fallut encore franchir la porte du hall, descendre les trois marches menant au trottoir, et grimacer à la sensation du béton sous la plante des ses pieds, en ignorant le regard de jugement de quelques passants qui le fixèrent avec consternation. Le professeur avait disparu.

- Crap.

Il tourna la tête de part et d'autre de la rue, mais la seule chose qui dénotait de l'activité habituelle de la rue était la cabine téléphonique, à quatre mètres tout juste de là où il se trouvait. Cabine téléphonique dont le fronton clignotait, et qui n'avait rien à faire là. A moins que l'anomalie temporelle de la veille ait grillé une partie de sa mémoire, il était parfaitement certain que la rue n'avait jamais accueilli la moindre cabine téléphonique, et à sa connaissance, aucun projet d'en installer de nouvelles n'avait jamais été mentionné par qui que ce soit. Il fronça les sourcils, parcouru la distance qui le séparait de l'édicule.
S'il avait bien compris une chose, c'est que hors du commun et Professeur s'associaient généralement bien. Cette cabine n'était pas là la veille, et le Professeur avait mentionné quelque chose au sujet de celle-ci avant de se décider à s’entraîner au sprint. Donc selon toute logique...
Ses doigts se refermèrent sur la poignée. Il tira la porte, dévoilant l'intérieur de l'habitacle.

- ...Fuck. Me.

A peine le temps de refermer la porte. La pièce entière sa mit à vibrer, à grand renfort de son et lumière. Un grand claquement, suivi d'un ronronnement aigu et régulier et cette colonne de lumière de varier de taille, et une multitude de jauge de clignoter sur un écran titanesque. Et puis un bruit sourd, et le retour à un silence relatif. Lui était toujours près de la porte, une main agrippée à l'angle du mur pour se maintenir en place, les lèvres entrouverte et le visage figé dans une expression incrédule. Un sentiment étrange montait en lui, sans qu'il soit capable exactement de mettre des mots dessus.

- Est-ce que ça va? Désolé, c'était pas vraiment prévu. Deux jours sur Terre à ne rien faire, il s'ennuyait.

Ses yeux se tournèrent vers le Professeur avec difficulté, s'arrachant à la contemplation de l'intérieur de la cabine. Lorsque ses lèvres se décidèrent enfin à former une réponse, les mots de celle-ci furent hachés, quelque part entre le chuchotement et l'éclat de voix étranglé.

- I'm... It's... But it's...

La sensation continuait d'enfler juste sous sa cage thoracique, un instinct enfoui, incompréhensible, incroyablement triste et joyeux, mélange improbable qu'il peinait à parfaitement comprendre. Il avait envie de pleurer, sans en comprendre la raison, le cœur au bord des lèvres. Cet endroit...

- It's... Beautiful.

Les mots lui manquaient, il se sentait incapable de formuler exactement le sentiment que lui procurait ce lieu impossible. Il fit quelques pas sur la passerelle menant au centre, là où se tenait le Professeur, tâchant de mettre de l'ordre dans ses idées, de reprendre pieds avec la réalité.

- You can step out, if you want. It's safe.

- Yeah, no, I'm... What is this place?..

- So it's a ship. A Time and Space ship. Wicked... Also "He"? You mean it.. He's alive?

Quelques pas de plus, il s'approcha de la console, posant une main hésitante à la surface de celle-ci. Les dimensions de l'appareil auraient du le laisser confus, l'intérieur plus grand que l'extérieur lui filer la migraine... Et pourtant tout à propos de celui-ci semblait faire sens, comme si toute sa vie il avait entendu de découvrir l'existence d'une telle chose.

Tell me... What do you think of space? The universe? Everything beyond Earth.

Il s'arracha à la contemplation de ce qui devait être les contrôles du vaisseau, et de la colonne de lumière qui en traversait le centre, reportant son attention sur le Professeur.

- Ten out of ten, would totally visit. Are you offering?

Un sourire franc vint naître sur ses lèvres. Le propriétaire d'un appareil qui, d'après ses dires, voyageait aussi bien dans l'espace que dans le temps qui lui demandait son avis sur l'univers ? L'offre était peut être faite à demi mots, mais il savait repérer ce genre de subtilité dans une phrase. Et si la proposition était sérieuse, il ne pouvait que la saisir.

- Parce que si c'est le cas... Vous allez réaliser un rêve de gosse. Je pensais pas vivre assez vieux pour un jour avoir l'occasion de mettre les pieds dans un vaisseau digne de ce nom...